Entretiens Société

Mouts, nus et culottés

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La peur de l’autre n’a jamais été aussi grande qu’en cette période de pandémie où l’humain avance masqué et où tout contact physique est désormais largement prohibé. Dans ce paysage d’un monde chaotique aux libertés restreintes, le programme « Nus et culottés » proposé par les deux baroudeurs au grand cœur, Mouts et Nans, s’avère une vraie bouffée d’oxygène, merveilleuse quintessence humaniste où l’échange se fait verbal et non par textos interposés et « l’autre » se mue en une main tendue et non en un danger potentiel. Le concept : partir nu, sans le sou afin de réaliser un rêve, ne comptant que sur l’aide et l’hospitalité de celles et ceux rencontrés au cours de ce périple initiatique où le voyage se mêle à la quête introspective. Allez, hop, ôtez vos vêtements et n’oubliez-pas, rien ne sert de courir, il faut partir à poil !

« Il faut garder à l’esprit que la destination de nos vies, c’est aujourd’hui et pas demain »

Cliquez sur l’image pour découvrir Mouts et Nans dans « Objectif Danemark »

Comment est né le concept « Nus et culottés » et quel a été le parcours de Mouts avant de faire le bonheur des téléspectateurs de France 5 ?

Mon approche du voyage était une quête environnementale et sociale, sujets auxquels j’étais très sensible. À 21 ans, alors que j’étais étudiant, je suis parti faire le tour du continent américain en stop avec très peu d’argent, dormant chez l’habitant. Mon souhait était de rencontrer des personnes travaillant dans des ONG, des associations, des fondations, des gouvernements… Et qui avaient mis en œuvre une solution concrète sur le plan social, sociétal ou environnemental. Au-delà du fait de trouver des réponses à toutes mes angoisses quant à l’état du monde, j’ai été frappé par l’accueil que les gens pouvaient m’offrir sur la route et c’est de là qu’est venue cette envie de creuser davantage et de mieux comprendre comment l’on construisait la confiance entre des personnes qui ne se connaissent pas, en l’occurrence moi dans ma posture de voyageur et les gens sédentaires que je rencontrais. À l’issue de ce voyage éco-américain, j’ai publié un livre : « EcoAmerica, voyage en quête de solutions durables ». Avec cette enquête, j’ai compris que ce n’était pas tant l’argent qui manquait ou le temps dont on dispose tous, mais plus notre capacité en tant qu’humains à fonctionner ensemble, à prendre des décisions communes et à avancer vers une vision qui nous correspond. À la suite de cette aventure, j’ai eu envie de continuer à investiguer, cette fois-ci non plus en rencontrant des acteurs du changement mais en racontant des histoires dans lesquelles avec mon ami Nans nous partions sans argent et sans vêtements afin de voir ce que l’on pouvait accomplir grâce à la seule aide des personnes rencontrées lors de notre périple. Mon parcours a donc croisé celui qui Nans qui lui avait fait sa propre expérience avec l’idée de voyager en minimisant au maximum l’impact environnemental. C’est sur un coup de fil que tout s’est décidé. Tout est parti d’un délire entre deux potes qui se poussent l’un l’autre dans leurs retranchements du genre : « Ok, on fait un tour d’Europe en stop – Un tour d’Europe oui, mais alors sans sac de couchage. » Et là, nous sommes entrés dans une sorte de concours de testostérone en poussant toujours plus loin le concept. Nous ne cessions de surenchérir : « Ah d’accord, on ne prend pas de sac de couchage, alors pas de sac à dos non plus ! – Pas de sac à dos ? Alors pas d’argent ! » et cela a fini par : « Dans ce cas, on n’a qu’à partir à poil ! » Et hop, l’idée était lancée ! Comme aucun des deux ne s’est débiné, et bien on l’a fait ! 

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Et comment est-on passé de ce concours de testostérone entre Nans et toi au programme « Nus et culottés » ?

Nous avons réalisé un premier voyage où l’idée était de partir de la Drôme pour aller jusqu’à Paris en y arrivant dans une décapotable rouge, en costumes pour sortir en boîte de nuit. On avait volontairement pris deux extrêmes, le cliché de l’homme sauvage qui vit dans les bois à poil et sans argent et celui du mec hyper mondain, riche et qui possède plein de biens matériels. La question était de savoir s’il était possible de relier ces deux mondes en cinq jours, en partant de rien et sans un sou. Nous possédions un petit appareil qui nous a permis de prendre quelques images et d’en faire un petit film tant on a été surpris de constater la générosité, la gentillesse des personnes rencontrées, les miracles qui se passaient sous nos yeux. On cherchait par exemple en vain une décapotable rouge quand tout à coup, à Paris, on a rencontré une femme qui conduisait un taxi Tuk-Tuk. C’était incroyable car il n’y avait que quatre taxis comme cela dans la capitale dont un seul de couleur rouge, décapotable en plus et c’est miraculeusement cette femme dont on a croisé le chemin. Il y avait une magie qui naissait au fil de cette expérience et le fait de nous dire qu’il était incroyable de constater à quel point la vie pouvait être généreuse. C’est ça que l’on a eu envie de partager car, avant ce voyage, on ne savait pas qu’il était possible de faire de l’hélicoptère stop ou du train stop en France par exemple. Ce sont toutes ces choses que l’on a pu expérimenter en ce mois de juillet 2010 et qui nous ont conduits à nous dire : « Ça ne peut pas s’arrêter là ! » Il fallait que les gens sachent qu’il existe un monde parallèle dans lequel sans argent, sans être le fils de…, sans chose particulière qui sautait à nos yeux comme étant des vrais coups de pouce, il y avait des murs apparemment infranchissables qui tombaient ! C’est donc de là qu’est venue l’idée d’aller toquer à la porte de la maison de production « Bonne pioche ». On a frappé à une seule porte et ça a été la bonne pioche pour le coup ! Elle nous a ouvert les portes de France 5 et cela a été l’un des développements d’émission les plus courts que la société de production ait connu puisqu’entre le moment de l’idée et le premier tournage, il s’est passé moins d’un an. De là, France 5 nous a demandé un film, puis trois, sept, douze… Et « Nus et culottés » est né comme ça !

Tu parlais de ces rencontres incroyables que vous avez pu faire au cours de vos périples… Une retraitée en Alsace qui a perdu son fils et son mari et vous reçoit chez elle pour vous servir un repas fait de truffes et une bouteille de Bordeaux de 1984, le chanteur M qui vous fait monter sur scène, un père qui sort de sa zone de confort et vous accompagne pour retrouver sa fille à Londres, une pilote qui vous prend en avion stop… Malgré notre société du paraître où la plupart des gens ne communiquent plus que par écrans interposés, il reste donc encore des valeurs profondément humaines ?

Bien sûr et même aujourd’hui à l’heure des écrans, à l’heure d’Internet, on constate que les valeurs profondément humaines n’ont pas disparu. Il suffit par exemple de regarder le nombre de tutoriels gratuits disponibles sur YouTube. C’est mon épouse qui m’a ouvert les yeux là-dessus. Internet est une arme de construction massive. Il y a là une manière sous-jacente de partager, de contribuer, de témoigner qu’il existe, malgré ces couches de peur, d’appréhension, de jugement que l’on a les uns vis-à-vis des autres dans notre société, une main tendue. En tous cas, il y a aujourd’hui une vraie curiosité gratuite, des gens désireux de tendre la main tout autant pour donner que pour recevoir… C’est un peu ça que les aventures « Nus et culottés » nous ont amenés à conscientiser en commençant pas nous mettre à poil en retirant nos vêtements comme un symbole. Même en nous mettant tout nu, il reste une armure que l’on trimballe et qui s’avère très lourde, pas faite de nos habits mais des jugements, des aprioris, des clichés que l’on peut avoir les uns sur les autres et dont il n’appartient qu’à nous de nous en défaire. En faisant ce cheminement, on s’offre la possibilité de pouvoir se rencontrer un peu plus de cœur à cœur et de comprendre que l’autre est, comme nous, construit des mêmes besoins, des mêmes aspirations.     

Tu m’avais expliqué que le plus beau compliment que l’on t’ait fait concernant « Nus et culottés », c’est une personne qui t’a dit que votre programme lui donnait envie justement d’éteindre sa télévision. Comment expliques-tu que, peu à peu, les liens au sein de notre société se soient à ce point distendus pour préférer un écran et la passivité qu’il entraîne à un échange verbal, une main tendue vers l’autre ?

Il faut se rappeler que cette main tendue existe. En fait, on est tous plus ou moins amnésiques avec, à un moment donné, des prises de conscience que l’on oublie trop vite parce que l’on retourne à notre quotidien, à nos habitudes. Moi le premier, c’est un travail quotidien que de me rappeler que la vie est belle, que les gens peuvent être généreux, que je suis capable d’entreprendre telle ou telle chose… Et ce sont ces expériences qui nous invitent à prendre appui non pas sur nos forces mais sur notre vulnérabilité. On a vécu un véritable shift mental avec Nans sur ce sujet. Moi, par exemple, j’ai grandi dans une culture au sein de laquelle il fallait être fort, avoir le permis, être bon en maths, parler plusieurs langues, avoir des diplômes… Alors oui, bien sûr, ces forces nous aident à avancer mais dans les 35 voyages accomplis dans « Nus et culottés » dont 32 ont donné des films, on a réalisé qu’en se laissant aller dans notre vulnérabilité, en trouvant l’ancrage, il y a une force encore plus importante qui se dégage et c’est à cela que l’on a envie de se convier les uns les autres. J’ai toujours cette image lorsque l’on tombe dans l’eau. Il y a d’abord une phase de panique parce que l’on n’a pas pied, une peur légitime pour notre vie… Mais en fait, si l’on se laisse tomber un peu plus profondément, en se forçant peut-être à mettre la tête sous l’eau, alors on découvre qu’il y a bel et bien des valeurs fortes, des choses en lesquelles on croit et pour lesquelles on est prêt à se relever. Bien sûr on peut tomber à terre parce que la vie est pleine d’épreuves, d’accidents, de galères mais de là aussise dégage une vraie force. C’est ce sentiment que j’ai retrouvé dans « Nus et culottés ». Oui tu es à poil dehors par – 7 degrés et franchement, avant de le vivre, je n’aurais pas misé un centime sur le fait de passer plus d’un quart d’heure dans ces conditions et pourtant ! Dans « Objectif Islande », on a passé quatre heures par un froid glacial, nus, dans le nord de la France au mois de mars et on n’est pas morts. Certes ce témoignage là est le nôtre, mais en allant chez les uns et chez les autres et en racontant nos histoires, nous nous sommes rendu compte que la quasi-totalité des personnes rencontrées avait vécu une fois dans sa vie une épreuve lors de laquelle elle s’était dit : « Je suis à bout de force, je ne vais pas y arriver ! » et, en fait, à ce moment-là, il y a quelque chose qui se passe. Soit ça vient de l’intérieur avec un tiroir au fond de nous qui s’ouvre, soit cela vient de l’extérieur et alors là, c’est une main tendue. On sait que cela fonctionne car on l’a tous plus ou moins vécu mais maintenant l’idée est d’aller le solliciter sans avoir à attendre un drame pour le vivre. C’est là que se situe notre pari : Avoir une posture joyeuse même face aux galères dans lesquelles on se met volontairement comme par exemple se foutre à poil dehors en plein hiver afin de muscler cette capacité à tendre la main pour donner comme pour recevoir.           

Tu me disais avoir vécu un temps dans une yourte en pleine forêt sans eau courante ni électricité, en marge de la société que tu rejetais. Aujourd’hui, tu penses qu’il est plus important justement de vivre intégré à la société qui est la nôtre pour tenter de la transformer, la noyauter de l’intérieur et faire passer le message qui est le tien ?!

J’aurais tendance à lancer l’invitation d’aller là où ça sonne juste pour toi. Me concernant, à un moment donné, ça a sonné juste d’aller vivre dans une yourte, sans eau courante ni électricité tout simplement parce que j’avais besoin de me mettre face à une certaine expérience. Avant de me lancer dans cette vie-là, je n’avais aucune idée de ce que j’allais y chercher mais aujourd’hui j’ai conscience d’y avoir découvert quelques perles comme le fait de comprendre la rareté des ressources par exemple. Quand on doit aller chercher son eau potable ne serait-ce qu’à deux cents mètres de chez soi, l’eau revêt alors une autre valeur. Tu ne te laves pas les dents de la même manière, tu ne fais pas la vaisselle de la même manière, tu considères l’eau autrement. Naît alors presque une relation de rencontre avec la ressource là où, avant, on ne la considérait que comme de la matière. J’ai retrouvé des choses essentielles pour moi par le biais de cette expérience de vie dans une yourte. Aujourd’hui, même si j’ai une vie disons beaucoup plus classique, habitant une maison individuelle avec de l’eau courante, je continue à m’alimenter en allant chercher l’eau à une source à quelques centaines de mètres de chez moi, tout simplement parce que j’aime ce rituel. Si ma place n’est plus aujourd’hui dans une yourte et s’avère plus intégrée dans la société avec une vie « normale », une carte bleue, des impôts à payer, bref tout ce qui peut constituer nos vies, cette expérience passée m’a fait prendre conscience de choses qui me paraissent essentielles au même titre que m’ont enrichi mes expériences de vie en bus, en van. C’est ça je pense le message premier de « Nus et culottés », soyez là où c’est joyeux, vivant pour vous ! Car là où il y a de la joie, là où il y a de la vie, il y a forcément une ressource infinie. Alors tout ce que l’on a envie de réaliser et d’accomplir se fait forcément beaucoup plus facilement. À l’inverse, si l’on est en lutte permanente, que l’on vive en yourte ou dans une maison, tout va devenir bien plus difficile.

En regardant votre programme on se rend compte que ce sont la plupart du temps les personnes qui ont vécu un drame familial, souvent la perte d’un proche, qui sont les plus humaines, les plus enclines à vous aider, vous héberger. Faut-il donc malheureusement que la mort nous rappelle le sens de la vie ?

Je me permettrai de remplacer ton malheureusement par heureusement ! Personnellement je suis vivant et j’ai envie de le rester le plus longtemps possible, mais sans même parler de la mort, la fin sera là. La fin d’une période de vie, d’un contrat, d’une relation, d’une saison, d’une journée… À un moment, la fin nous rend visite et c’est cette fin qui réveille la faim de vivre pleinement. Bien souvent, ce sont les personnes qui ont vécu un drame familial qui, lorsqu’elles parviennent à se reconstruire parce que la vie avance, retrouvent alors une envie de vivre qui n’est que le compostage de cette fin ou de cette mort qu’elles ont rencontrée. Je ne sais pas qui est l’architecte de la vie, mais qu’on l’appelle Dieu ou autrement, il est assez troublant de constater que ce sont souvent les gens qui ont vécu des choses terribles qui, lorsqu’il y a eu ce chemin nécessaire et suffisant pour s’en relever, sont les plus rayonnants, les plus généreux.

Lorsque l’on voit les relations si étroites qui parfois naissent en quelques heures ou en quelques jours, au gré de vos périples, on se demande forcément si vous avez gardé contact avec certaines personnes rencontrées ?

On a gardé des contacts avec quelques rares personnes. Sur les 2500 ou 3000 rencontres au fil de nos périples, nous avons gardé le contact avec moins d’une dizaine d’entre elles. Ces voyages, on les fait avec la promesse de tout donner dans le moment. Notre invitation est donc d’habiter pleinement le temps qui nous est donné avec ces personnes rencontrées, que cela dure une heure ou trois jours sans se réfugier dans la promesse du : « On va se revoir, on va se rappeler, vous viendrez manger à la maison… » Ça, c’est du futur !

L’important est de vivre l’instant présent ?!

Tout à fait. En 2015, j’ai connu une grosse cassure de vie. Une rupture avec ma compagne de l’époque avec qui j’avais eu un très grave accident de voiture dont nous nous sommes sortis miraculeusement, lors d’une promenade en montagne avec un ami nous sommes tombés sur un cadavre, j’ai perdu mon statut d’intermittent… Tout un tas de galères qui m’ont rappelé le fait que tout ce que l’on construit est finalement du vent. Prenons un recul de 2000 ans ; La table que j’ai devant moi, les chaussons que je porte et même moi, tout cela n’est que du vent qui redeviendra à terme poussière. L’important est donc d’être présent dans l’instant car l’avenir, que ce soit dans deux heures ou dans deux ans, qui peut le prédire ? Personne ! Qui pouvait prévoir il y a quelques mois que des milliards de personnes allaient se retrouver confiner chez elles ? Bien sûr, on doit construire des choses et l’on ne peut que se projeter dans l’avenir, mais il faut garder à l’esprit que la destination de nos vies, c’est aujourd’hui et pas demain.

Après cette période de confinement et des mesures gouvernementales jugées par certains comme liberticides, seul bon point, on a pu constater que de plus en plus de jeunes avaient envie de partir vivre à la campagne, quitter les grandes métropoles, faire appel aux circuits courts pour se nourrir et privilégier la production locale. On peut voir cela comme un message d’espoir ?

Ça me plait de me focaliser là-dessus ! On pourrait effectivement se demander si telle ou telle mesure prise par le gouvernement est pertinente, mais ce n’est pas ma manière d’aborder les choses. Je ne suis pas président de la République, ce n’est pas ma place et je fais donc confiance en ces personnes-là qui, à mon sens, font de leur mieux. Certes on n’a peut-être pas les mêmes valeurs mais au fond, je crois que l’on aspire aux mêmes choses. Partant de ce principe, il faut se demander comment on peut s’adapter, mais s’adapter ensemble. J’aime me rappeler que la vie est une expérience qui produit des résultats. Dans ces résultats, certains sont désagréables, douloureux et d’autres surprenants. Et l’on peut choisir de manière individuelle sur quoi l’on se focalise et donner ainsi plus de crédit à ce que l’on observe. Si je me décide d’observer tout ce qui va mal et me rends victime par ma passivité, je vais renforcer ma position de victime. Si, au contraire, je regarde ce qui ne va pas en étant acteur, en protestant, alors je grandirai de cette expérience. Bien sûr, j’ai eu la chance de vivre le confinement entouré par la nature, avec ma famille et j’ai bien conscience d’être privilégié par rapport à cela mais le confinement, l’enfermement, est un retour sur soi, chose qui n’est pas forcément agréable. Là encore, il faut se demander si cette situation on la subit ou est-ce qu’on la transforme comme les rugbymen transforment l’essai. Aller au-delà de la contrainte pour m’enrichir personnellement comme socialement est à mon sens ce sur quoi il faut se polariser. J’ai pu constater que ce confinement avait été pour beaucoup l’occasion d’un retour sur soi, la possibilité de se poser les bonnes questions, de prendre du recul. Nombre de personnes sont tel le hamster qui, dans une cage, tourne dans sa roue sans avancer, machinalement, sans réfléchir à ce qu’il fait. Si tel est leur choix, qu’ils continuent ainsi mais si, par contre, ces mesures restrictives peuvent être l’occasion de se poser des questions essentielles sur ce que l’on veut faire de sa vie alors on devient actif de ses propres choix.   

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Même si le confinement a pu entrainer comme tu le dis un temps nécessaire afin de prendre du recul sur sa propre vie d’en trouver le sens, revers de la médaille, les ventes sur Internet ont explosé alors que nombre de magasins ferment et les fast-foods ne se sont jamais aussi bien portés alors que des restaurateurs mettent la clé sous la porte. Ça t’inspire quoi ?

Tu sais, lorsque l’on fait du stop avec Nans, il y a des moments où il pleut où il fait froid. Ok, ça c’est un fait mais cela sert à quoi de pester ? L’idée est d’être conscient de ce postulat et, à partir de là, que vais-je en faire ? Effectivement, aujourd’hui la situation est celle que tu décris avec une explosion des ventes sur Internet, des magasins ou des restaurateurs qui mettent la clé sous la porte… J’ai une vision pour le monde, des rêves aussi mais ce n’est pas moi qui vais les imposer, ça sera une construction commune qui combinera tous les rêves collectifs. Je reviens donc à cette importance d’être là où se trouve pour nous la joie, qu’elle soit dans la contestation ou ailleurs. L’important est de se poser la question, de savoir ce que l’on peut faire face à telle ou telle situation, être actif de ses choix afin de nous aider à grandir. J’ai une croyance très profonde qu’il n’y a pas d’expérience qui se présente à nous que l’on ne soit pas capable de gérer que ce soit à l’échelle personnelle ou à celle d’une société. Je crois profondément que la vie est bienveillance, amour. Et même si ce qui se présente devant nous est une guerre nucléaire, un confinement, une faillite, un divorce je fais le pari de croire que je vais grandir de cette épreuve.

Une peu dans l’esprit de : Ce qui ne te tue pas te rend plus fort ?!

Ce qui ne te tue pas te rend plus fort est presque une posture d’après coup. Là, c’est : « Ok, je viens de prendre le coup et bien je décide de grandir grâce à cela ! » Dans la vie on peut choisir de voir en face de nous soit des murs, soit la contremarche pour franchir cet obstacle justement. Alors oui, parfois on se retrouve dans une situation difficile où avec Nans on rencontre le danger, des moments où l’on a manqué de ressources à un point critique qu’il s’agisse de chaleur, d’eau ou de nourriture et pourtant, à chaque fois, à ce moment-là, si je parviens à me mettre dans une posture de responsabilité où je fais corps avec la difficulté que je vais me forcer à aimer, j’en fais mon allié et je ne suis alors plus en lutte contre cette difficulté, j’en fais une force. Il pleut et bien que vais-je faire ? Vais-je danser sous la pluie, vais-je me fabriquer un vêtement imperméable avec un bout de bâche qui traine ? Que vais-je mettre en œuvre ? Et bien moi, c’est ce mode de pensée qui me plait ! On en a fait l’expérience en se disant lors de nos périples : « Mais pourquoi a-t-on pris à gauche plutôt qu’à droite ? » Et bien ce genre de questions ne vous conduit qu’à des impasses.

Effectivement, dans vos différents périples on voit des moments de vraies galères où vous ne trouvez pas où dormir, où personne ne s’arrête pour vous prendre en stop… Malgré tout, vous gardez toujours le sourire, le moral. C’est la clé de l’échange humain, un positivisme en toutes circonstances ?

Pour moi, plus que le positivisme, la clé, c’est la responsabilité. Je ne suis pas forcément responsable de ce qu’il m’arrive mais en tout cas, je suis responsable de ce que j’en fait.

Et je l’assume ?!

Parfois on vit des drames parce qu’on était là au mauvais moment mais je n’ai pas décidé de me trouver au Bataclan par exemple pour me prendre une balle ! La question qui se pose est, si je suis encore vivant, que vais-je faire de ce drame que je viens de vivre ? Et bien ça, c’est de notre responsabilité. De mon expérience dans les voyages que l’on a pu faire, si je fais corps avec la difficulté et qu’elle fait presque partie de moi, alors là il y a de l’énergie, de l’envie qui vient et même, parfois, de la joie. Victor Hugo évoquait le bonheur d’être triste et cela me parle. J’accueille la tristesse comme on accueillerait dans ses bras un enfant qui pleure et que l’on se pose la question de savoir ce que l’on va faire, sans se cacher la réalité en la niant ou en mettant cette tristesse sous le tapis. Non, les difficultés sont là, les émotions sont là.  

Les émotions, qu’elles soient colère, tristesse, joie ou amour sont humaines. Il convient simplement de savoir ce que l’on en fait ?!

Une manière de faire corps avec ces émotions, c’est de se créer des moments, des espaces pour, justement, pouvoir accueillir ces émotions-là. Je me rappelle particulièrement certains voyages avec Nans où régnait une certaine tristesse, une apathie qui fleuretait avec la déprime, le découragement qui n’était pas particulièrement dû au périple en lui-même d’ailleurs mais à notre état d’esprit. Après avoir rencontré des centaines de personnes qui avaient grandi des drames qu’elles avaient vécus, forcément cela faisait écho chez nous à toutes ces tristesses qu’au fil du temps nous avions nous aussi mis sous le tapis. Heureusement, au bout d’un moment, on retrouve de l’assise, de l’ancrage, des ressources et nous sommes donc plus en mesure d’aller fouiller dans ce passé douloureux. Étonnement, avec Nans, nous avions des casseroles différentes mais elles ressortaient en même temps. Je me souviens d’ailleurs d’un soir où j’étais seul dans ma yourte, ma compagne absente, j’ai alors allumé des bougies, j’ai mis de la musique pour me trouver dans une ambiance cocoon et je me suis accordé un espace pour pleurer. Et bien ça peut paraître bête, mais ça m’a fait du bien. Ce sont des vieux trucs qui ressortaient et je me suis laissé aller sans me lâcher la main. Que tu portes une valise de tristesse, un container de colère ou une lettre de honte et bien, à un moment, il faut savoir se prendre la main et se dire : « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »

Les larmes ont donc participé à laver cette tristesse que tu portais ?!

Si tu as un problème avec ta voiture et que tu ne t’y connais pas en mécanique, tu vas aller chez le garagiste. Si tu as un problème de santé et que tu ne fais pas partie du corps médical, tu vas aller chez le médecin. Aujourd’hui le fait d’être accompagné par plusieurs formes de thérapie fait son chemin même si cela est encore tabou pour beaucoup de personnes. Moi j’ai eu beaucoup de colère dissimulée sous de la tristesse. Mon nom de famille est Mouton et j’ai reçu beaucoup de moqueries à l’école et, à l’époque, mon moyen de défense a été de nier ces agressions verbales et de devenir un élève brillant. Mais la tristesse liée aux moqueries et la honte de ce nom de famille restaient ancrées en moi et je la trimballais depuis toutes ces années. Je me suis aperçu que, même lors de mes voyages, ces valises de tristesse, je les emportais avec moi. Se mettre à nu, c’est selon moi aller se rencontrer et s’accueillir soi-même avec son vécu. À partir du moment où l’on s’accorde ces espaces-là, que ce soit de manière très cadrée avec un thérapeute, dans le sport ou dans des groupes de paroles, on se rend compte que cette tristesse fait aussi partie de notre histoire. À force de rencontrer beaucoup de personnes avec Nans, nous avons été obligés de passer par ce travail sur nous-mêmes. Les histoires des autres faisaient écho à nos propres histoires, là où l’on n’avait pas pris le temps de nous aimer.   

Vous avez dû vous aussi poser vos valises ?!

Nous mettre à nu avant de pouvoir nous rencontrer dans la nudité du cœur avec les autres.

L’humain est poreux au niveau émotionnel et donc si tu amènes la joie, le rire, l’autre sera forcément réceptif. C’est ce que l’on a l’impression de voir lorsque vous passez chez les gens que vous rencontrez et chez qui vous apportez de la vie !

Lorsque j’ai une certaine couleur, un certain ton, une émotion particulière, il se passe forcément quelque chose avec l’autre. On réagit les uns avec les autres et heureusement car, si nous étions des automates, il n’y aurait pas cet échange de cœur à cœur. En mettant son cœur à nu, c’est une authenticité qui se révèle, une innocence comme celle que l’on peut voir dans les yeux d’un nourrisson. Je suis depuis peu papa d’une petite fille qui n’a que quelques mois et je vois cette pureté de l’être sans défense, sans protection et qui est donc dans une vraie sincérité dans l’échange. Quand elle rit, elle rit. Quand elle pleure, elle pleure. Il ne s’agit pas de redevenir des enfants de quelques mois avec la variation d’émotions que cela entraine mais peut-être de retrouver une certaine innocence de l’émotion. J’ai pu observer qu’en me blindant, j’ai effectivement écrêté ce qui était douloureux mais j’écrêtais aussi malheureusement la joie, l’enthousiasme, la compassion, la complicité. Un enseignant de yoga disait : « Plus on est capable d’ouvrir son cœur à la difficulté, plus on sera capable d’ouvrir son cœur au bonheur. »

Par rapport à cette situation de confinement dont on parlait, on a pu voir que beaucoup de jeunes souhaitaient revenir vers la nature, un petit coin de campagne loin du tumulte des vies de nos métropoles. Quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui, comme vous, sans un sou, veulent partir visiter le monde ?

Si j’ai un conseil à donner, c’est faites ce qui vous semble bon pour vous. Vous souhaitez faire un pas en dehors de votre zone de confort ? Et bien faites-le ! Vous avez besoin de vous réfugier dans quelque chose de rassurant, de sécurisant ? Faites-le ! Il y aura des cadeaux pour vous là-dedans. Je crois profondément que l’on a une boussole interne et que c’est le travail d’une vie d’écouter cette boussole sans se fermer à celle des autres. Il est essentiel d’avoir une oreille branchée sur notre cœur et une autre branchée sur le cœur des autres. Si l’on peut, à un moment, se reconnecter à son propre cœur en se disant : « Là je dois arrêter cette relation, là je dois obtenir cette promotion, là je dois partir faire le tour du monde, là c’est le moment pour moi d’avoir un enfant… » Quels que soient l’aspiration, le rêve, si ça vibre au fond de soi, c’est qu’il y a quelque chose à aller glaner de ce côté-là. Peut-être n’est-ce pas la concrétisation du rêve qui importe mais le processus qui nous met en chemin, ce qui nous y amène. Je te parlais de cette cassure que j’ai eu dans ma vie en 2015 et, à ce moment-là, j’ai eu besoin de partir marcher dans ma région de naissance, la Haute-Marne. Il était nécessaire de me recentrer sur moi-même, de comprendre qui j’étais, de me retrouver seul pour aller mieux, évacuer ce que j’avais au fond de moi et finaliser un projet de livre fait de photos et de poèmes destinés à montrer la beauté de nos campagnes qui a donné l’ouvrage « Osons la pause ». Un soir, lors de ce périple, comme je cherchais l’hébergement chez l’habitant, j’ai été hébergé chez une femme qui… Est devenue mon épouse. Parfois, en poursuivant un rêve, on va non seulement le vivre mais même aller bien au-delà.   

Votre périple dure entre une et trois semaines alors que le programme, une fois monté, fait moins d’une heure. Il doit être parfois bien compliqué de couper tant vous devez vivre de moments forts en émotion ?!

Nous revenons avec environ 150 heures d’images pour, à la fin, faire moins d’une heure de programme. Au ratio, cela fait environ 1% d’images utilisées. Dans le lot il y a eu de grosses galères comme des immenses joies ou des grandes surprises. Ces moments qui ne figurent pas à l’antenne font partie de notre expérience à Nans et moi et, plutôt que d’amener l’œil là-dessus, j’invite celles et ceux qui nous lisent ou nous écoutent à aller vivre leurs propres expériences, toutes ces choses que personne ne saura jamais. Ces rencontres, même si on ne les montre pas, sont des pierres dans nos fondations et ce qui nous constitue aujourd’hui.

Ton prochain rêve à réaliser ?

Il y a un rêve qui me tient très à cœur et auquel je consacre beaucoup de temps en ce moment, c’est de mettre à disposition des autres, via un site Internet, toutes les expériences que l’on a pu glaner au fil de nos périples, des témoignages et que l’on a envie de partager avec celles et ceux que cela intéresse. On s’est en effet aperçus qu’il existe tout un tas de choses qui peuvent aider les gens à concrétiser leurs rêves et qui les nourrira eux-mêmes comme il nourrira le reste du monde. Nans lui travaille sur un magazine papier qui sortira en 2021. Je me consacre également à des formations et du coaching dans un souhait d’accompagnement car les films « Nus et culottés » ont l’avantage d’être pour certaines personnes des déclencheurs, l’étincelle qui a fait qu’enfin les gens ont osé se lancer que ce soit à partir en voyage, à déclarer leur flamme à une femme ou encore lancer la société dont il rêvait. Je vais donc tenter d’aider les gens à atteindre leur rêve avec les outils que nous avons pu tester lors de nos périples.

Dweezil Zappa, au nom du père… et du fils !
Jean-Pierre Albertini, La mort au Bataclan !

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  1. Hello,
    juste la scène de cueillette de champignons …..vous aurais pu éviter le sache en plastique avec pub Spar!!!