Entretiens Musique

Miles Mosley, King of blue

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À la croisée des chemins entre Hendrix et Mingus, Miles Mosley ne partage pas avec son illustre homonyme qu’un prénom entré au Panthéon jazzistique ; l’homme de la cité des anges fait montre d’une créativité sans égale, s’autorisant à engager sur des chemins encore vierges sa contrebasse boostée aux effets les plus divers, puisant à la racine de ses illustres aïeux pour faire jaillir des branches musicales ô combien novatrices. Plébiscité par le gotha artistique, tous styles confondus, du regretté Chris Cornell à Lauryn Hill, Jeff Beck ou Kendrick Lamar, Miles Mosley est un caméléon qui, avec une aisance déconcertante, louvoie entre son projet West Coast Get Down, ses propres albums et ses multiples collaborations. May the Miles be with you !  

« Hendrix est l’exemple typique du musicien qui peut presque tout dire simplement en utilisant sa guitare. »

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Miles, un prénom qui n’est pas forcément facile à porter surtout lorsque, comme toi, on s’engage sur les sentiers du jazz. Je crois d’ailleurs que des albums du génial trompettiste tels que Kind Of Blue ou encore Sketches Of Spain ont baigné ton enfance ?

Ma mère était une grande fan de Miles Davis comme je pense le sont tous les amoureux du jazz. La musique était un élément majeur et même primordial à la maison puisque, dès qu’elle rentrait du travail, ma mère se précipitait sur la platine pour y mettre un vinyle… C’était son moyen de se détendre ! J’ai donc grandi en me nourrissant de tous ces albums, véritables pierres angulaires du jazz. Ensuite, lorsque j’ai débuté la basse, même si j’ai commencé par le classique, j’ai tout de suite été attiré par des morceaux de Miles tels que So What et sa formidable ligne de basse. 

Penses-tu justement qu’en matière de jazz tout est question d’interprétation et d’improvisation ?

Je crois effectivement que ce qui différencie le jazz des autres styles musicaux et le définit en tant que tel est, par essence, sa construction basée sur l’improvisation. L’interprétation elle, est également liée à d’autres genres musicaux comme le classique par exemple. La rapidité d’exécution, le respect du tempo, la dynamique inhérente à la composition… On peut interpréter quelque chose qu’on lit sur partition. Il convient néanmoins de faire attention quand on parle de genres musicaux sachant qu’avec le temps toute musique a connu de multiples évolutions, le jazz ne dérogeant pas à la règle. On ne peut donc pas définir quelque chose sans justement prendre en considération tous ces changements qui sont le fruit d’une longue maturation. C’est la même chose pour un humain d’ailleurs. Tu n’es certainement pas le même aujourd’hui que le gamin de huit ans que tu étais ?!

Hélas non !

(rires) Beaucoup des caractéristiques de ce qui faisait ce toi de l’époque sont encore là mais, forcément, d’autres paramètres sont venus s’ajouter avec le temps et définissent celui que tu es aujourd’hui. Le jazz s’est paré au fil du temps de plein d’autres styles qui sont venus s’y imbriquer pour élargir énormément la palette sonore qui était la sienne à sa naissance. Quoi qu’il en soit, effectivement, l’élément qui ne varie pas et ne variera jamais malgré les années, c’est cette improvisation qu’il convient de maîtriser sur le bout de doigts afin de pouvoir se mouvoir avec aisance dans tous ces éléments qui forment ce que le jazz est aujourd’hui.

Ce mélange des genres que l’on voit aujourd’hui où le jazz se mâtine de funk, de R&B de hip-hop même, c’est pour toi une suite logique, les branches d’une même famille qui se réunissent ?

Tous ces genres musicaux que tu cites sont nés du jazz. C’est un peu comme si on présentait un grand-père à ses nombreux petits fils et qu’ils se mettaient à dialoguer pour comparer leur propre vision du monde. Le grand-père dit : « Tu vois à mon époque, la musique ressemblait à ça ! ». Le petit-fils lui fait alors écouter la musique telle qu’elle existe aujourd’hui, celle qui le fait vibrer et n’est en fait que le prolongement de ce qu’écoutait son grand-père. De là nait une conversation entre deux générations et un échange d’idées dont va naître une création artistique où sur un tronc commun viennent s’ajouter de nouveaux éléments qui permettent de générer une sorte de fusion tout à fait novatrice.

Tu as poussé la contrebasse dans une approche tout à fait contemporaine de l’instrument en utilisant tout un tas d’effets jusqu’ici plus dédiés à la guitare. Afin de bousculer les codes ainsi et conduire la contrebasse sur des sentiers auxquels elle n’était pas habituée, faut-il avant tout connaître les racines et les pères fondateurs tels que peuvent l’être Mingus ou Oscar Pettiford ?

Cela a en tout cas été mon approche de l’instrument. Quand j’ai commencé à étudier la contrebasse, je suis donc allé puiser dans les bases comme me l’avaient conseillé mes professeurs tels que John Clayton par exemple. À mon sens, quel que soit l’instrument ou le style musical que tu vas décider d’emprunter, rien n’est plus formateur que d’aller à la racine pour comprendre les fondements de ton instrument, ceux qui ont façonné le genre, l’ont fait évoluer… Ensuite, à toi, à partir de ses bases solides et concrètes, de tracer ton propre chemin. C’est la raison pour laquelle je me suis effectivement plongé à corps perdu dans les partitions et les lignes de basse de Mingus, Paul Chambers ou Oscar Pettiford afin de comprendre la manière dont les plus grands avaient poussé la contrebasse dans des univers d’une inventivité folle. À partir de là, tu t’immisces dans leur jeu, dans leur univers sonore, dans leur construction rythmique, leur palette de couleur et alors, ils deviennent comme des ombres qui planent sur ton propre jeu en devenir et qui va continuer à se façonner au fil du temps.

Il faut donc aller puiser à la racine de l’arbre afin de créer tes propres branches ?

C’est en effet une métaphore assez exacte et qui peut d’ailleurs s’adapter à tous les domaines, pas uniquement musicaux. Je ne dis pourtant pas que cela est un passage obligatoire car tu as des musiciens qui se sont révélés de vrais précurseurs dans des styles musicaux très différents sans pour autant avoir étudié quoi que ce soit. On peut prendre l’exemple de Wes Montgomery qui a créé son style guitaristique unique et est devenu une référence sans pour autant se réclamer d’aucun grand nom de la six cordes du passé. C’est une option qui consiste à justement s’affranchir de ce qui a été fait auparavant et donc ne subir aucune influence pour laisser naitre son propre style. Il n’y a pas une bonne ou une mauvaise manière d’aborder la musique, je crois que c’est avant tout une question de personnalité, de feeling, d’approche personnelle. Pour ma part, c’est en apprenant les partitions du passé, en me confrontant à ce qui existait, à ce qui avait été fait, qu’ont germé les idées et l’envie de repousser encore plus loin l’instrument. Ma façon d’utiliser l’archet, de positionner mon corps de manière peut-être moins conventionnelle, de me baser sur le passé justement pour trouver des choses totalement nouvelles… 

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Tu es l’un des membres fondateurs du collectif West Coast Get Down. Peux-tu nous parler de ce groupe qui réunit des musiciens de Los Angeles avec lesquels tu as grandi ?!

West Coast Get Down est en effet un collectif que nous avons créé à l’école publique de Los Angeles dans les années 90. Aujourd’hui, il se compose de nombreux membres comme Tony Austins ou Ronald Bruner Jr à la batterie, Ryan Porter au trombone, Kamasi Washington au saxophone, Brandon Coleman aux claviers, Stephen « Thunder » Bruner à la basse électrique, Cameron Graves au piano… Ce collectif s’est réuni autour du jazz qui n’était pas seulement une passion commune mais également un moyen de fuir la violence, les gangs, les trafics auxquels on pouvait être confrontés dans les quartiers de L.A. La musique s’est vite avérée pour nous comme une bouée de sauvetage et un excellent moyen de nous tenir à l’écart des tentations qui auraient pu nous faire mal tourner. À l’époque Bill Clinton qui était président des Etats-Unis jouait lui-même du saxophone et était un féru de jazz. Il a donc permis à des gamins comme nous de suivre des cours, créant des programmes musicaux pédagogiques, des infrastructures adaptées qui nous ont ouvert de nombreuses portes. Ce collectif nous a permis d’évoluer ensemble, de confronter nos goûts musicaux, d’avancer de concert au fil des années et de développer un langage musical sans même avoir besoin d’utiliser des mots pour échanger. Il est quand même très rare de pouvoir ainsi grandir au sein d’un collectif qui devient le prolongement de ta propre famille et où l’on se connaît tant, où l’on a partagé tant de choses que tout coule naturellement. Cela crée forcément une dynamique et une synergie incroyables  au sein de ce collectif dans lequel chacun a sa place et où tout le monde se meut dans une parfaite symbiose.

Tu as débuté la contrebasse à 13 ans puis, à 20 ans, le chant. La voix était-elle un moyen d’exprimer des émotions, des sentiments que l’instrument seul ne parvenait pas à véhiculer ?

La chanson a toujours représenté beaucoup pour moi car j’ai grandi dans un univers familial disons de penseurs où mes parents étaient entourés d’écrivains, d’enseignants très concernés par les mots, leur impact, leur puissance afin de faire passer au mieux une pensée en l’exprimant de la manière la plus juste possible. C’est de là que me vient l’amour de la langue, des textes et la musique permet cette interaction entre deux univers artistiques où le son et le mot ne font plus qu’un. C’est assez incroyable de pouvoir combiner un monde d’émotions sonores et d’y intégrer un message, lui, construit par des mots. Ma mère est une femme des années 60 donc née avec cet esprit hippie. D’ailleurs, dans sa discothèque idéale, Joni Mitchell figure tout de suite après Miles Davis et Mingus laisse la place à Curtis Mayfield. J’ai donc, dès le plus jeune âge, été baigné dans un univers propice à l’amour du texte, du mot et un certain émerveillement de constater à quel point le message véhiculé dans un morceau par exemple pouvait avoir une portée universelle, politique, sociale à laquelle tout le monde adhérait. Le fait de me mettre au chant était donc une façon d’élargir mon spectre d’expression et d’aller au-delà de ce que la contrebasse me proposait.

D’un autre côté la musique est la langue des émotions comme le disait Kant, un moyen d’aller au-delà des mots ?!

Oui, tout à fait même si, à mon sens, il est plus aisé de créer un yin et un yang émotionnels si tu as en ta possession à la fois la musique et le texte. Pour le reste, dans un temps donné assez court, il me sera effectivement plus facile de faire passer une émotion avec la contrebasse car l’utilisation du mot juste n’est pas toujours chose aisée. On se rend d’ailleurs bien compte que parfois les gens ne parviennent pas à utiliser les mots adéquats, ceux qui vont transcrire au plus près le message qu’ils souhaitent faire passer. Avec la musique il n’y a pas ce genre de problème car tout est basé sur le ressenti émotionnel sans que rien ne vienne interférer. Nous avons toi et moi par exemple actuellement une conversation intéressante sur la musique mais, pourtant, parce que l’on est à plusieurs milliers de kilomètres l’un de l’autre, parce que tu as été coincé dans les bouchons en rentrant chez toi… Là se trouvent autant de paramètres qui peuvent altérer notre échange. Prendre un instrument te permet de passer outre ces paramètres pour, par le biais des notes, livrer ton ressenti, ce que tu as au fond de toi à un instant T sans que les mots ne viennent biaiser par une mauvaise utilisation ce langage purement musical.

C’est là l’essence même du dialogue entre deux musiciens. Si je prends ma guitare et que tu me réponds par les notes de ta contrebasse, il va alors s’instaurer une conversation fluide, libre, un échange purement basé sur l’émotion ?!

C’est là l’une des beautés et la magie de la musique qui t’offre cette possibilité d’échange immédiat. Quand tu entres dans une salle avec des musiciens pour improviser, les gens n’ont pas forcément besoin de se connaître. On lance un thème et alors tout le monde se regarde et commence à jouer, à se regarder, à se répondre avec des notes. Naissent alors des dialogues tout à fait uniques où l’instrument devient le seul et unique vecteur de communication.

Lorsque tu as débuté la basse, j’ai lu que tu avais tout d’abord transcrit des solos de Ray Brown avant de te focaliser sur d’autres instruments comme la guitare de Charlie Christian ou Paco De Lucia ou encore la trompette de Clark Terry. Le fait de te centrer sur des solos d’autres instruments que la contrebasse t’a-t-il permis d’ouvrir encore un peu plus ton champ lexical musical ?

Enormément ! Te limiter à ton seul instrument réduit forcément ton spectre musical et cette possibilité de, justement, s’inspirer des solos d’autres instruments afin de les adapter à la contrebasse est pour moi primordial. Cela te permet de mettre en lumière des techniques que tu pensais spécifiques à la guitare ou à la trompette par exemple et que tu vas tenter d’incorporer à ton propre jeu. Si, par exemple, ton musicien préféré est Milt Jackson et que tu es fan inconditionnel du vibraphone, si tu tentes de t’inspirer de son jeu pour la contrebasse alors tu vas faire face à un problème de taille qui consiste à changer d’octave très rapidement ce qui demandera d’augmenter sensiblement la dextérité de ta main. Par contre, tu te rendras vite compte que concernant le sustain du vibraphone, tu peux l’augmenter sensiblement avec l’archet de la contrebasse mais aussi « bender » les notes, chose impossible avec l’instrument joué par Milt Jackson.

Comment on l’a dit, tu as poussé la contrebasse sur des chemins tout à fait novateurs avec l’utilisation d’effets comme la distorsion, la reverb, le chorus… Le fait de choisir de modifier ainsi le son de ta contrebasse pour le densifier était-il un moyen de te faire entendre lorsque tu devais réaliser un solo, tout spécialement dans une formation de huit ou neuf musiciens ? 

Oui, c’est ce challenge qui m’a conduit dans le monde des effets effectivement, plus que le simple fait d’être un inconditionnel d’Hendrix et du mur du son qu’il était capable de sortir de sa guitare. Au sein d’une section rythmique, dans un orchestre de jazz, tu attends ton solo pour vraiment donner la mesure de ton jeu. Quand le solo de trompette arrive par exemple, la section rythmique est là pour le suivre, l’accompagner, le tirer vers le haut en lui apportant l’appui nécessaire à sa propre expression. Par contre, lorsque c’est au contrebassiste de s’y coller, les cuivres se taisent sans pouvoir le soutenir au risque de rendre son solo totalement inaudible. Je me suis donc demandé comment rendre le spectre des fréquences de la contrebasse assez audible avec un son mordant afin de pouvoir se faire entendre distinctement même accompagné par la section rythmique d’un orchestre. Mon but était que la batterie continue à donner le groove nécessaire, que le piano puisse ne pas juste plaquer un ou deux accords discrets mais soit totalement libre dans son approche et, finalement, que le solo de contrebasse soit le même que celui de tout autre instrument. Je me suis donc penché de près sur le sujet et j’ai plongé disons corps et âmes dans le monde si étendu des effets. La tâche s’est vite avérée beaucoup plus compliquée que je ne le pensais pour électriser la contrebasse.

Justement, combien de temps t’a-t-il fallu pour enfin trouver le son que tu souhaitais réellement ?

Cela m’a pris environ cinq ans et l’aide de nombreuses personnes pour parvenir à trouver le son idéal. Le premier problème est que je possédais une sublime contrebasse vieille de cinquante ans mais, dès que tu lui branchais des effets, tu te retrouvais avec un feedback énorme impossible à juguler. Il a donc fallu que je trouve une contrebasse capable d’encaisser l’électrification. Une fois que l’instrument a été conçu, cela m’a ouvert un champ des possibles incroyable avec une puissance sonore telle que j’en rêvais. Après cela, il a fallu que je trouve les effets qui se mariaient le mieux avec la contrebasse car, dans le panel des effets classiques que l’on peut retrouver pour la guitare par exemple, aucun ne collait vraiment avec le son de la contrebasse. Ce sont donc vers les effets peu connus, un peu laissés de côté même que je me suis tourné et qui se sont avérés les plus efficaces pour la contrebasse. En fait je n’avais pas un son précis en tête quelque chose de prédéfini mais plus un but précis, celui de me faire entendre et d’emmener la contrebasse là où elle n’était encore jamais allée. Tony Austin n’est pas qu’un formidable batteur de West Coast Get Down mais également un merveilleux ingénieur du son. En sa compagnie, on a pu tenter de nombreuses choses, des combinaisons d’effets, réfléchir à faire sonner la contrebasse en version survitaminée.

Question effets, tu évoquais Hendrix et son son de guitare stratosphérique. Le 18 septembre prochain, on va célébrer le cinquantième anniversaire de la mort de cette icône de la six cordes. Tu as d’ailleurs enregistré une reprise du célèbre Voodoo Child (Slight return) que l’on peut voir sur YouTube ou ta contrebasse sonne presque comme une guitare avec beaucoup de disto. C’était une performance tout autant que le souhait de rendre hommage à ce génie de la musique qui, visiblement, a été pour toi une grande source d’inspiration ?

Hendrix est l’exemple typique du musicien qui peut presque tout dire simplement en utilisant sa guitare. Il a choisi d’écrire des morceaux et d’utiliser les mots de manière disons additionnelle afin de toucher un plus grand nombre, mais ses solos sont une incroyable narration qui, à eux seuls, t’évoquent tant de choses. La guitare d’Hendrix te frappe directement entre les deux yeux, un truc qui prend aux tripes et te fait voyager comme peu de musiciens ont été capables de le faire. Voodoo Child (Slight return) est, au-delà d’être d’une pierre angulaire de l’histoire du rock, un champ d’expression idéal pour moi afin de, non seulement m’aventurer sur les chemins de ce musicien que j’admire tant, mais également pour prouver aux gens tout le potentiel incroyable de la contrebasse. La basse électrique est venue tout bouleverser et s’est imposée dans les groupes car elle permettait au niveau sonore de se faire entendre même au milieu d’un déluge de sons faits de guitares, de batteries. La contrebasse a quelque peu été mise au banc, principalement utilisée dans le jazz. Avec cette reprise, j’ai voulu dépoussiérer l’image de la contrebasse, montrer qu’elle n’était pas, contrairement aux idées reçues, un instrument du passé. Que tu utilises tes doigts, l’archet, le haut du manche ou le bas, les effets… La contrebasse peut être un instrument incroyable qui offre des milliers de possibilités sonores.

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Parce que tu as amené la contrebasse vers de nouveaux chemins, la faisant, comme tu le disais, sortir de son image quelque peu passéiste, tu as enregistré ou accompagné sur scène de nombreux artistes tel que le regretté Chris Cornel Jonathan Davis, Jeff Beck, Rihanna ou Kendrick Lamar…Du hip-hop au metal en passant par le rock ou la R&B, le fait de repousser les frontières musicales est-il ce qui te guide en tant que musicien ?

Repousser les frontières dans lesquelles était enfermée la contrebasse est certainement mon principal cheval de bataille et ce qui explique le fait que j’ai collaboré avec des artistes aussi variés au niveau de leur style musical. J’aime faire bouger les lignes et ne pas penser que les choses sont figées, arrêtées parce que, justement, on n’a jamais essayé de voir plus loin ou de se donner une chance de pousser l’instrument là où l’on ne l’attendait pas. Le fait de constamment me poser des questions sur le pourquoi des choses est, je pense, ce qui me guide et m’a permis d’évoluer en tant que musicien mais également en tant qu’homme. Par exemple, au début je me disais : « Pourquoi lorsque je joue tout le monde est-il silencieux ? » Tout simplement parce que la contrebasse qui n’était pas électrifiée ne me permettait pas d’avoir un son suffisant pour que le public venu au concert soit autre chose que silencieux. Tu pars ensuite de ce postulat et tu te dis : « Ok, comment faire pour que les gens puissent continuer à chanter, bouger, danser pendant que je joue… Et bien en faisant en sorte que mon son soit plus fort ! » Te poser une question apporte forcément au bout d’un moment une réponse et c’est cette réponse qui va te permettre d’avancer.

Ton premier album “Uprising” est aussi le tire d’un célèbre album de Bob Marley. En ce moment, les Etats-Unis semblent être dans une période de « soulèvement » (Uprising) avec des manifestations contre les violences policières, des affrontements entre pro et anti Trump… Quel est ton ressenti à moins de deux mois de l’élection présidentielle ?

Je ne sais pas si la situation actuelle est plus complexe qu’elle ne l’a toujours été. Je crois simplement que les problèmes actuels de violence ont hélas toujours existé. Aujourd’hui, les gens en sont peut-être plus conscients d’abord parce que les médias passent cela en boucle mais également car en raison de la pandémie liée à la crise de la Covid les gens sont restés chez eux les yeux braqués sur les chaînes d’infos en continu. Le seul point positif de ce virus est certainement qu’il a rendu les gens moins égocentriques et plus à l’écoute du monde qui les entoure. Cela ne change pas pourtant le fait que les infrastructures politiques et sociales mises en place dans le monde tout comme cette volonté de dominer son prochain sont hélas des éléments caractéristiques de notre société. La question que tout le monde doit se poser est : « Comment puis-je agir à titre personnel pour tenter de changer les choses. Me servir du passé et de ce qui n’a pas fonctionné pour tenter de rendre l’avenir meilleur ? »  J’ai personnellement beaucoup réfléchi à la question et donc, je fais en sorte de me comporter d’une manière qui me semble juste et qui surtout ne se base pas sur le fait de vouloir écraser mon prochain.

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