Si la relativité du temps reste un concept pour le moins abstrait, je vous invite, si vous êtes de passage dans la belle et bouillonnante cité phocéenne, à vous perdre dans ce petit port de pêche qu’est le Vallon des Auffes, havre de paix où le temps semble s’être arrêté et où la théorie einsteinienne prend enfin tout son sens, un sens empli d’une poésie visuelle, sonore, olfactive ô combien jouissive. Loin du tumulte des grandes artères asphyxiées, de la chasse au chronomètre de nos existences structurées, découpées, normées, on découvre un lieu où, enfin, le sens de la vie prend sa forme la plus noble. C’est ici que, depuis vingt ans, le chef étoilé, Guillaume Sourrieu, a bâti une renommée amplement méritée. Son restaurant, l’Épuisette, est un lieu de passage obligé pour tout gastronome désireux de mettre ses cinq sens en émoi. Une vue à couper le souffle, une explosion gustative à chaque bouchée de plats où vos papilles résonneront au son de la Méditerranée… Ne cherchez plus, on a trouvé le paradis !
« Ceux qui critiquent Top Chef, ce sont ceux qui n’y sont pas ! »
Votre restaurant étoilé se situe dans un havre de paix, un endroit hors-du-temps qu’est ce Vallon des Auffes au cœur de la cité phocéenne. Ce lieu, avec son petit port de pêche, est-il un environnement idyllique, une source d’inspiration inépuisable pour votre cuisine ?
Évidemment ! Le restaurant « L’épuisette » est perché sur ce promontoire au bout du vallon. Quand on s’assoit là, on se dit immédiatement que l’on se doit de déguster ce que la mer va nous offrir. Ma philosophie, et ce depuis le début, c’est-à-dire lorsque j’ai repris le restaurant il y a 20 ans, a été marquée par une volonté de me rapprocher des pêcheurs du Vallon. Cela était moins vrai tout au début où l’on était moins dans la proximité, les circuits très courts entre fournisseurs et restaurateurs. Au départ, je m’octroyais donc le droit d’acheter encore quelques poissons d’Atlantique, mais j’ai vite compris que la Méditerranée suffisait à me fournir les ressources nécessaires pour les assiettes que j’avais envie de créer. Je suis donc allé voir les pêcheurs locaux en leur disant : « Apportez-moi vos produits et je me ferai une joie de les cuisiner ! »
C’est important cette relation de confiance qui s’est établie au fil du temps entre les pêcheurs de ce Vallon des Auffes qui, chaque matin, vous apportent le fruit de leurs pêches et vous qui, au restaurant, en tant que chef étoilé, les proposez dans vos assiettes ?!
C’est la base ! Sans eux, il n’y a rien. C’est à nous, chefs, qui avons un peu d’aura médiatique de faire passer le message comme quoi ces pêcheurs font un travail admirable, difficile et nous proposent des produits tout simplement fabuleux. Ce sont des gens qui se lèvent très tôt tous les matins et travaillent uniquement guidés par leur passion. Il est donc primordial de les féliciter pour les produits qu’ils nous apportent. Nous, chefs, on a simplement à savoir respecter la saisonnalité du produit et à trouver l’assaisonnement qui saura mettre le plus en valeur un poisson dont la qualité intrinsèque est déjà optimale. Dans Marseille, il est vrai que chaque restaurateur a un peu son ou ses pêcheurs attitrés avec lesquels il aime travailler et a, comme vous le spécifiez, avec le temps, fait naître une réelle relation de confiance.
Jean-Luc Tartarin, chef doublement étoilé du Havre, me disait que les pêcheurs l’appelaient avant de rentrer au port et qu’il passait sa commande alors que les produits du jour se trouvaient encore en mer, sur le bateau. Est-ce le même mode de fonctionnement vous concernant ?
Oui, tout à fait. Les pêcheurs partent tôt le matin et vont vendre ensuite sur le vieux port qui est un peu notre halle à nous, même si je nous trouve quelque peu à la ramasse sur ce sujet. Le privilège de travailler toute l’année avec eux fait qu’effectivement, ils m’appellent avant de rentrer au port, ce qui me permet de faire notre sélection depuis la terre alors que les poissons se trouvent encore sur le bateau. Nous sommes donc, de fait, servis les premiers. Même si l’on sait que les pêcheurs calent des filets spéciaux en fonction des périodes pour les rougets, pour les soles… C’est à chaque fois un point d’interrogation sur ce que sera la pêche du jour et donc, de ce que l’on disposera pour les menus à proposer aux clients du restaurant.
Ce Vallon où se trouve votre restaurant est véritablement un lieu à part comme on le disait. Vous m’expliquiez d’ailleurs que même vous, lorsque vous habitiez et travailliez à Marseille, n’aviez pas connaissance de ce lieu caché du monde et des touristes ?!
On parle de Marseille et de ses quartiers, mais ce Vallon est vraiment un lieu pittoresque, très à part et qu’il faut savoir dénicher. C’est un endroit ancestral où tout le monde se connaît, avec ses pêcheurs italiens qui travaillent de génération en génération. Le lieu, fort de son succès et des guides touristiques, est un peu surpeuplé l’été, mais c’est vraiment un endroit où il fait bon vivre. Effectivement, je l’ai découvert en reprenant l’Épuisette. Avant cela, je n’en avais pas connaissance. Comme quoi !
Et la philosophie véhiculée par cet endroit où il fait bon vivre vous correspond bien en tant qu’homme au-delà du chef étoilé ?
Lorsque je suis entré pour la première fois dans ce restaurant qu’est l’Épuisette, je me suis tout de suite dit qu’avec ma formation dans des maisons récompensées par deux et trois étoiles, ce lieu était parfait pour mon épanouissement personnel. Je retrouvais ma ville natale, Marseille, mes amis, ma famille et je me suis donc tout de suite senti connecté avec cet endroit si particulier. Après, le restaurant, il y a vingt ans, était, sans jeu de mots, un peu entre deux eaux et il a donc fallu tout de suite faire savoir que je reprenais l’Épuisette. Je souhaitais en effet à nouveau faire rayonner ce nom auprès de la population locale, comme auprès des touristes qui venaient nous rendre visite. Grâce à cette première étoile, obtenue un an et demi après mon arrivée, les gens ont compris que je proposais une cuisine vraie, susceptible de plaire à un grand nombre de personnes et, assez rapidement, l’Épuisette est redevenue un lieu incontournable de la gastronomie marseillaise.
Après être passé par des maisons telles que Bernard Loiseau à Saulieu, les « fermes de Marie » à Megève ou la maison « Troisgros » à Roanne, je suppose que l’étoile est ce à quoi vous aspiriez dès le départ ?
J’ai toujours baigné dans cet univers des étoilés, surtout avec Bernard Loiseau qui, tous les jours, nous répétait : « Trois étoiles, trois étoiles ! » C’était son leitmotiv et cela m’a appris l’exigence, la rigueur, le fait de savoir que lorsque l’on veut quelque chose, il faut d’abord s’en donner les moyens. L’impératif était de faire comprendre que Marseille, ce n’était pas que Passedat et son Petit Nice triplement étoilé. Il y avait aussi Sourrieu qui revenait à ses racines et était capable de proposer une belle cuisine marseillaise et à des prix plus abordables.
Il y a vingt ans, Marseille ce n’était en effet que Gérald Passedat et son « Petit Nice ». Aujourd’hui, la ville est pleine de jeunes chefs talentueux et novateurs à l’image d’Alexandre Mazzia, doublement étoilé. Avec Lionel Lévy en compagnie duquel vous avez su faire bouger les lignes, vous avez, je suppose, pu constater cette évolution de Marseille et de sa gastronomie ?
J’ai bien entendu constaté cela et, comme vous le disiez, j’y ai activement participé avec le chef Lionel Lévy qui est arrivé sur Marseille en même temps que moi. Il a créé La Table au Sud et, à partir de là, on s’est dit que l’on se devait de se rassembler pour tenter de faire briller autant que possible la cuisine du cru. Gérald Passedat était concerné aussi, mais peut-être moins fédérateur. On souhaitait vraiment changer l’image de Marseille par rapport à sa gastronomie et insuffler quelque chose de plus jeune, de plus dynamique aussi. On a, par exemple, formé des jeunes qui se sont plu à Marseille et ont ensuite ouvert leur propre restaurant. Nous souhaitions faire bouger les lignes dans une ville qui végétait quelque peu au niveau de sa gastronomie. Aujourd’hui, Marseille profite du rayonnement apporté par toute une pépinière de jeunes chefs doués et motivés que l’on a formés nous les « anciens ». L’important, c’est qu’aujourd’hui on a vraiment le choix pour bien manger à Marseille.
Aujourd’hui encore, je crois que, par le biais de salons par exemple, vous continuez à faire rayonner Marseille et ses qualités en matière de gastronomie ?!
Oui, il est important de ne pas s’endormir sur ses lauriers, même si l’effet TGV nous a permis de recevoir en masse une clientèle parisienne. On a par la suite eu Marseille, capitale culturelle et gastronomique, ce qui, là encore, a été l’occasion de mettre en lumière notre belle cite phocéenne. Le fait que nous parlions, nous chefs marseillais, le même langage, est une chose positive qui fait avancer dans le bon sens même si, forcément, on ne s’entend pas tous bien. Notre message, c’est : « On aime la gastronomie marseillaise, on est la gastronomie marseillaise et on a envie de vous la faire découvrir. »
Beaucoup de chefs aujourd’hui font rimer assiettes étoilées et écoresponsabilité, limitation des déchets, recyclage… La haute gastronomie s’est donc totalement métamorphosée depuis vingt ans que vous êtes aux commandes de l’Épuisette. Ce respect de l’environnement, de la saisonnalité, c’est essentiel à vos yeux ?
Oui et cela l’a toujours été. J’ai, depuis le départ, eu ce respect de la nature, ce côté écolo en moi. C’est normal et logique que, dans mon métier, j’aille chercher les produits au plus près afin de faire briller tous les producteurs de la région. Même aux fermes de Marie, à Megève, je travaillais les fromages locaux, les pommes ou les herbes qui se trouvaient dans la montagne… C’était déjà quelque chose de très naturel pour moi. En revenant ici, à Marseille, où la mer et les poissons sont à portée de main, il m’est apparu comme naturel d’avoir une démarche disons écoresponsable dans le fait d’aborder ma cuisine. Valoriser les gens qui sont vos fournisseurs, leur montrer qu’on les aime, c’est vraiment primordial et cela contribue à mettre en avant toute une économie locale. Je travaille par exemple avec Terre de Mars qui sont des jeunes à l’origine d’une ferme urbaine et qui proposent des légumes bio cultivés dans la région. On prend donc les produits uniquement quand ils sont disponibles, sans forcer la nature et, en fonction des arrivages, je crée mes menus qui, jamais, ne sont figés.
On retrouve d’ailleurs à votre menu l’Aïoli de lotte du bateau Jean G, “Pêcheur au Vallon“ et légumes du moment. C’est important de mettre à l’honneur ceux qui, dans l’ombre, participent tant à faire avec leurs produits d’exception briller le nom de votre restaurant ?
Jean G, c’est une vraie histoire ! Dans le Vallon, le fils qui a repris l’affaire est déjà la quatrième génération. Il se lève à trois heures du matin pour aller pêcher et me ramener des produits magnifiques. Il est donc important de mettre son nom en exergue car il le mérite vraiment et, sans lui, mon aïoli revisité serait impossible à réaliser. Il faut dire et faire savoir à celles et ceux qui viennent manger à l’Épuisette qu’ils dégustent des produits de la Méditerranée, des produits locaux apportés par des pêcheurs du Vallon. Au-delà de son aspect gustatif, chaque plat raconte une histoire, celle de pêcheurs qui travaillent ici toute l’année et qui sont l’âme de ce lieu.
Cela vous arrive t-il de partir en mer avec ces pêcheurs afin, avec eux, d’être au plus près de ces poissons offerts par la Méditerranée et que vous allez ensuite cuisiner ?
Franchement, j’aimerais bien. Ce n’est pas le temps qui me manque mais toute cette paperasserie que vous êtes obligé de remplir dès que vous posez le pied sur le bateau d’un professionnel. C’est une procédure administrative d’une extrême complexité qui vous dissuade de prendre hélas la mer avec les pêcheurs qui, effectivement, fournissent le restaurant. On sait pertinemment que certains pêcheurs font admirablement leur métier et il serait peut-être opportun de leur lâcher un peu de lest. Cela ne m’empêche heureusement pas de beaucoup parler avec eux, de comprendre pourquoi il y a une grosse maille sur les filets un jour et une plus petite le lendemain, qu’ils m’expliquent leurs techniques de pêche, le courant, la météo, ces éléments qui changent en permanence, que les pêcheurs me racontent le poisson qu’ils viennent m’apporter tous les jours…
Pour toutes celles et ceux qui rêvent de devenir chef un jour, comment se déroule une journée type de Guillaume Sourrieu ?
J’ai une journée assez simple de chef qui passe son temps dans sa cuisine, car c’est l’option que j’ai choisie. Je commence à 9 heures. En effet, j’aime bien voir les marchandises qui arrivent. Ensuite, on fait un petit briefing avec l’équipe par rapport à tout ce que l’on a reçu ou encore ce que l’on attend des pêcheurs. Nous créons ensuite nos menus par rapport à l’arrivage. Après, la mise en place est quelque chose de primordial car on sait pertinemment que c’est là que se joue 80% du service. Je suis un peu laborieux dans mes créations culinaires et j’ai donc besoin de toucher la matière. Je ne peux pas me poser devant un bureau avec un papier et un crayon. Ma sensibilité est visuelle, olfactive et j’ai vraiment cette nécessité que tous mes sens soient en éveil afin de parvenir à entrer dans un processus de création. Il faut que mes papilles soient mises à contribution. Après, selon la pêche, il arrive qu’un poisson dans le lot m’inspire plus qu’un autre, comme un turbot par exemple et, là-dessus, Terre de Mars va nous apporter des jeunes pousses d’épinard fraîchement cueillies ; Alors là, les idées germent.
C’est un processus créatif assez instantané donc où toute votre palette de mémoire olfactive se met en place ?!
C’est, je pense, le privilège de l’âge. On a plein de tiroirs dans notre tête que l’on ouvre en sachant à l’avance ce que le mélange de saveurs, de textures, d’assaisonnement que l’on a en tête va donner. J’aime beaucoup les sauces et les épices donc, quand j’imagine une sauce comme accompagnement, avant même de ne la préparer, j’ai déjà son goût en bouche. C’est un peu comme le musicien avec les notes. Au fil du temps, on parvient à posséder un large panel, un éventail plus que conséquent de mélanges et d’assemblages dont le goût est ancré en notre mémoire. Après, il ne faut pas s’endormir sur ce que l’on sait car il est important, malgré les années, de continuer à évoluer, partir à la recherche de nouvelles saveurs. Même si je n’aime pas copier, que je regarde peu la télé ou les journaux consacrés à la cuisine, je tente de rester toujours à l’écoute, de poursuivre mon évolution personnelle en créant des goûts qui me ressemblent et sont en osmose avec ma conception de la gastronomie.
Et après vingt-ans passés à l’Épuisette et trente-cinq derrière les fourneaux, il n’y a pas de lassitude ? Vous gardez votre motivation intacte ?
Oui et je pense sincèrement que c’est une chance. J’ai d’ailleurs eu plusieurs chances dans ma vie. À sept ans, par exemple, j’ai dit à mes parents que je souhaitais devenir cuisinier. Ils m’ont écouté et ont respecté mon choix. Mes parents vivaient en Algérie et sont rentrés en France en 1963. C’est à cette époque que je suis né. J’ai, en cuisine, toujours vu ma mère plus dans le registre de la pâtisserie d’ailleurs et j’ai aimé cet échange qui s’établissait entre la mère et le fils dans la cuisine. Après, je crois sincèrement que le souhait de devenir chef a toujours été présent en moi, comme une vocation qu’on ne s’explique pas mais que l’on vit à 100%. On pourrait effectivement penser qu’après trente-cinq ans, je me sois quelque peu lassé, mais non ! Je suis encore animé par plein d’idées, plein d’envies. J’ai, à mes côtés, une équipe formidable que j’ai composée, avec qui je crée et à laquelle je transmets mon savoir pour mon plus grand plaisir. Cette année, on va fêter les 80 ans de l’Épuisette et les vingt ans de Sourrieu comme chef de ce restaurant. Je ne veux pas que l’on puisse dire que je suis un vieux qui s’endort dans sa cuisine ! Je ne m’endors pas du tout et les jeunes qui travaillent avec moi me poussent en permanence à une remise en question, à rester perpétuellement en phase avec l’évolution qui est celle aujourd’hui de la gastronomie. Sans mon équipe, je ne suis rien et il faut avouer que, même s’il existe des résidus, l’ambiance en cuisine a changé et est beaucoup moins sévère qu’à une époque. Certains grands chefs se plaignaient de travailler seuls sans se remettre en question pour en comprendre la cause ! La cause, c’était leur comportement ! Il y a maintenant un vrai respect à l’égard de celles et ceux avec qui on travaille. On parle beaucoup de cuisine mais on oublie souvent de parler de la salle qui est pourtant la continuité de nos dix doigts. Si l’on propose un poisson qui vient du Vallon mais que l’on ne raconte pas le plat présenté, on perd beaucoup dans l’approche gustative. Un plat étoilé, c’est avant tout une histoire. C’est là que les gens qui assurent le service sont primordiaux pour participer à générer du rêve chez le client.
Justement, comment pourriez-vous définir en quelques mots votre cuisine pour celles et ceux qui n’ont pas encore eu la chance de venir vous rendre visite à l’Épuisette ?
C’est une cuisine loca-maritime avant tout. Locale par ce que je m’attache à mettre en avant la région et maritime, forcément, car il s’agît là avant tout d’une cuisine issue des produits de la mer. J’aime que, dans mes assiettes, on retrouve d’abord le produit donc, à ce titre, je pense que ma cuisine est vraie, authentique, fine avec une sensibilité toute particulière dans les sauces, dans les légumes.
La cuisine, on l’évoquait tout à l’heure dans votre cas, c’était la transmission familiale. Aujourd’hui, pour la jeune génération, les référents sont plus des chefs ultra-médiatisés par le biais d’émission largement suivies sur le petit écran. La vague Top Chef, ça vous parle ou est-ce une chose à laquelle vous êtes totalement étranger ?
On ne peut, bien sûr, pas y être étranger. Quand, grâce à Bocuse, le chef a pu enfin sortir de sa cuisine, on ne peut ensuite, à l’heure de la médiatisation à outrance, cracher dans la soupe. Ceux qui critiquent Top Chef, ce sont ceux qui n’y sont pas ! J’ai un grand respect pour les participants à cette émission. Après, est-ce le reflet de ce qu’il se passe en cuisine ? Clairement non, mais ce n’est pas la question et d’ailleurs on s’en fout ! Si cela permet de pousser les jeunes dans leur créativité, de montrer aux téléspectateurs qu’une vraie carotte, c’est celle qui a été plantée et cueillie avec passion par un bon producteur, que les tomates se mangent à une certaine période et pas à une autre, alors on ne peut que s’en réjouir. Après, les jeunes qui sortent de Top Chef et s’imaginent déjà étoilés et incontournables à 21 ans, je réponds non ! J’ai lu dernièrement une interview de Jacques Maximim qui, justement, expliquait qu’à 21 ans, en cuisine, on ne sait encore rien faire. Il faut commencer par apprendre à faire des blanquettes, à réaliser des sauces, à donner du goût aux aliments, à parfaitement les assaisonner, à maîtriser sur le bout des doigts la cuisson… Tout cela prend du temps et est un véritable apprentissage de vie.
Sur le site de votre restaurant, vous proposez d’ailleurs des recettes. La transmission, le partage, c’est important ?
On est souvent copié, jamais égalé, c’est ce qu’il faut se dire ! La transmission a complètement changé et fort heureusement. Celles et ceux qui viennent travailler dans nos maisons étoilées et donc très exigeantes souhaitent apprendre, voir comment le chef travaille, la façon dont il gère son personnel, ses stocks…
Vous avez très rapidement obtenu votre première étoile Michelin. La deuxième, c’est quelque chose à laquelle vous pensez ?
Cela fait dix-neuf ans que j’ai cette étoile et, effectivement, il n’y en a qu’une. Après, forcément, je me pose la question quant à savoir pourquoi je n’en ai pas deux mais bon, c’est le jugement du Guide et un jugement que je respecte totalement. Je suis très fier de cette aura apportée par le Michelin et heureux de faire partie de cette famille.
Si je vous invite à dîner, je vous prépare quoi pour vous faire plaisir ?
Une bonne petite salade frisée avec une sauce moutarde et des petits lardons sautés pas trop gras. Ensuite, une belle blanquette de veau avec un morceau de veau élevé sous la mer et qui a du goût, une crème pas trop épaisse et un riz pilaf fait dans la tradition avec les oignons revenus, le riz nacré, mouillé avec un bouillon de volaille.
Et comme bouteille pour accompagner le tout ?
J’aime beaucoup les blancs de Bourgogne, donc un Meursault serait parfait !