Beluga, Sévruga… Ces noms évoquent à eux seuls luxe et jouissance gustative ! Si caviar rime effectivement avec Russie, Iran ou encore Kazakhstan, il existe, en Aquitaine, une production hexagonale peu connue, mais non moins succulente. À près de 2000 euros le kilo d’or noir, la production peut certes sembler un juteux marché, mais de l’esturgeonnière au divin caviar, la route est longue et fastidieuse. Michel Berthommier, directeur de la maison Perlita, nous livre les secrets de ces petits grains de folie.
« Un bon caviar ne doit surtout pas sentir le poisson ! »
Depuis combien de temps avez-vous débuté l’aventure caviar ?
L’esturgeonnière a été crée en 1991. Au départ, personne ne pensait être dans une aventure de caviar ! Les premiers investisseurs souhaitaient élever les esturgeons pour leur chair. Le sud-ouest se prêtait bien à ce type d’élevage. L’idée était de répondre à une demande du marché français où 80% des poissons à chair blanche sont importés. Mais le succès n’a pas été au rendez-vous et les investisseurs ont abandonné le projet qui était un fiasco financier. Personnellement, je suis arrivé en 1999 en tant que directeur opérationnel du site.
C’est à ce moment que l’idée de produire du caviar a germé ?
L’idée date d’avant mon arrivée, au moment où de nouveaux investisseurs se sont lancés dans l’affaire. Cela a été un travail de longue haleine avec des tests progressifs afin d’arriver à un produit de qualité. Nous avons par exemple décidé d’utiliser du sel sec au lieu de la saumure habituelle pour traiter le caviar. Les premiers grains labellisés Perlita datent de 2000. En 2007, l’affaire a été à nouveau revendu et je suis aujourd’hui actionnaire majoritaire.
Comment expliquer que vous soyez l’un des seuls producteurs français de caviar ?
Il y a cinq producteurs en France. Produire du caviar est une entreprise fastidieuse et très longue. Il faut attendre près de dix ans entre les premiers esturgeons et le début de production de caviar. Aujourd’hui, se dire que l’on s’engage dans quelque chose de très coûteux pour n’en récolter les bénéfices qu’une décennie plus tard est inconcevable pour la quasi-totalité des investisseurs. À cela, viennent se greffer les risques de pathologie voir de mortalité des esturgeons. Il faut réellement être motivé pour prendre de tels risques
Beluga, Sévruga, Osciètre… Difficile de se repérer pour le néophyte ! Pouvez-vous nous aiguiller sur les différentes espèces d’esturgeons ?
Ce sont des espèces qui proviennent de la mer Caspienne et dont les noms résonnent aux oreilles des gens comme un gage de qualité alors qu’il s’agît de trois des 24 espèces d’esturgeons. Ce ne sont pas des marques et il ne faut pas confondre ! En France, nous produisons de l’esturgeon sibérien. Sur le site, nous gérons tout, de la nurserie, à l’éclosion, jusqu’à la mise en conditionnement du caviar.
Comment repérer un excellent caviar d’un caviar moyen ?
Il y a deux points de repère pour reconnaître un caviar de qualité, l’œil et le goût. À l’œil, il faut voir des grains et pas que de l’huile ! Il faut, au regard, que le caviar soit séduisant, que les grains se détachent les uns des autres. Ensuite, plus le caviar est clair plus il est prisé, même si cela ne change pas grand-chose au goût. Par contre, il faut impérativement une unité de couleur entre les différents grains. Ça c’est le travail de la personne en laboratoire en amont de la chaîne ! Ensuite, gustativement, il faut tout simplement que le produit soit plaisant en bouche. Nul besoin d’être un spécialiste comme pour le vin pour reconnaître un caviar de grande qualité !. Le caviar ne doit pas être acide, trop salé, trop fort. Un bon caviar ne doit surtout pas sentir le poisson. Sa dégustation doit être un moment de pur plaisir au niveau des papilles.
Comment se déroule l’élevage des esturgeons ?
C’est au développement de la poche ovarienne que l’on reconnaît les futures productrices. Les femelles sont alors élevées durant cinq à sept ans et suivies régulièrement sur le plan de la taille des œufs par échographies et également par biopsies. À partir de la troisième année, nous passons tous les poissons d’une même génération à l’échographie (ultras son) pour isoler les femelles. Les mâles sont alors stockés pour être transformés, ils présentent une chair très savoureuse que nous commercialisons en filets. Chaque cycle, pour un poisson, dure en moyenne dix ans. On conserve les femelles jusqu’à l’âge de sept ou huit ans, âge où l’on commence à récolter les premiers grains. Notre esturgeonnière possède 5000 m2 de bassin, tout en béton avec un pompage de rivière pour un renouvellement une fois par heure des bassins. Nous possédons un cheptel de 150 T de femelles environ, soit en permanence 70 à 80 000 poissons destinés à produire du caviar.
Comment récolte t-on les œufs d’esturgeons ?
On abat la femelle, on l’ouvre de la tête à la queue. Il n’y a pas de cuisson. On enlève alors la gonade (ovaire, organe femelle). On tamise ensuite le caviar afin d’obtenir les grains que l’on lave à plusieurs eaux afin que cela soit le plus propre possible. Puis on sale, on met en boîte. Le caviar évolue en boîte comme le vin. Entre la production et la date de péremption, il faut compter dix mois. Certaines personnes l’aiment frais, d’autres à deux mois ou certaines encore dix mois après. Plus le caviar reste dans son conditionnement, plus il prend un goût marqué.
Un esturgeon produit en moyenne combien de grammes de caviar ?
10% de son poids, sachant qu’un sibérien pèse 6 à 7 kilos à l’âge 10 ans.
Quel est actuellement le prix d’un kilo de caviar ?
Pour du Sibérien français, il faut compter 1600 et 1800 euros ttc le kilo.
Quelle est, selon vous, la meilleure façon de déguster le caviar ?
Personnellement je privilégie la dégustation du caviar seul mais, encore une fois, cela dépend des goûts de chacun.
Peut-on marier le caviar avec un plat ?
Bien sûr. Certains grands chefs font de magnifiques préparations avec du caviar en travaillant le produit avec de la viande comme du bœuf ou du veau par exemple. Il convient néanmoins d’utiliser des mets pas trop puissants pour avoir du relief au niveau du goût.
Quelles sont les règles à respecter pour servir du caviar ?
La boîte doit être maintenu à la température de la glace et être ouverte 20 à 30 minutes avant de la savourer. La meilleure façon d’apprécier la finesse du produit et de mettre en valeur ses multiples saveurs, c’est de le goutter seul, avec un ustensile approprié qui ne risque pas de s’oxyder au contact du produit : on utilisera la nacre ou l’inox.
Que boire avec du caviar ?
Il faut une boisson qui reste assez discrète par son goût pour ne pas altérer le caviar. Après beaucoup d’essais, je pense qu’un excellent champagne reste le breuvage idéal !