Information, aide technique, assistance en ligne, offres d’emplois, le site handicap.fr, lancé en 2002, donne des réponses concrètes aux problèmes rencontrés par les personnes handicapées en France. Si en 2005, une loi gouvernementale a permis de faire sensiblement avancer les choses, l’application de certaines règles est longue à se mettre en place. Gilles Barbier, président et fondateur du site, se bat donc quotidiennement en compagnie de son équipe pour faire bouger les mentalités vis-à-vis du handicap. Un combat qui doit prendre ses racines au sein d’un système scolaire qui manque cruellement de moyens pour recevoir des enfants handicapés. Explications !
« De nombreux parents portent plainte afin de faire reconnaître les droits de leur enfant handicapé au sein du système éducatif. »
La France est-elle, en matière d’aide aux personnes handicapées, en avance ou en retard sur ses voisins européens ?
Cela dépend bien évidemment de quel secteur on parle ! À mon avis, la France est en retard au niveau de l’intégration scolaire qui, pour moi, est la clé du problème. L’école est, pour tout individu, la base de l’apprentissage. Comment prétendre intégrer correctement des personnes handicapées dans des sociétés à des postes à responsabilités s’ils n’ont pas pu suivre un cursus scolaire adapté ? Pour pouvoir intégrer un enfant avec des difficultés quelles qu’elles soient, en classe de maternelle, il faut que l’enseignante soit entourée au moins par une AVS (Auxiliaire de vie scolaire) ce qui est, malheureusement, rarement le cas.
Justement, à l’école, quelles mesures sont prises pour l’accompagnement des enfants handicapés ?
Dès l’âge de 3 ans, si leur famille en fait la demande, les enfants handicapés peuvent être scolarisés à l’école maternelle. Chaque école a vocation à accueillir les enfants relevant de son secteur de recrutement. Mais, dans les faits, comment voulez-vous demander à une enseignante de s’occuper de 30 enfants plus d’un ou deux bambins ayant des problèmes moteurs ou autre sans une ou deux aides pour lui donner un coup de mains ? (La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées renforce les actions en faveur de la scolarisation des élèves handicapés. Elle affirme le droit pour chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile, à un parcours scolaire continu et adapté. Les parents sont de plus étroitement associés à la décision d’orientation de leur enfant et à la définition de son projet personnalisé de scolarisation.) J’ai des amis handicapés qui, hélas, n’ont pu faire de grandes études simplement parce qu’ils ont été sous formés dans le cadre scolaire. C’est hallucinant ! Aujourd’hui, on constate d’ailleurs que pas mal de parents d’enfants handicapés portent plainte afin de faire reconnaître les droits de leurs bambins au sein du système éducatif. Certaines entreprises proposent aujourd’hui des stages de remise à niveau à leurs employés handicapés, c’est bien ! Mais il serait encore mieux de combler cette lacune à l’école afin que tout le monde puisse avoir les mêmes chances !
Handicap et monde du travail sont-ils deux termes qui font bon ménage ?
Disons que la situation a évolué de façon positive grâce à la loi de 2005 ! Elle pousse indubitablement à l’emploi des personnes handicapées. (Fin décembre 2009 : les entreprises soumises à la loi et n’employant pas de personne handicapée depuis trois ans ou plus ne seront pas majorées (1 500 fois le smic horaire contre 700 par unité manquante) le 1er janvier 2010 comme initialement prévu par la loi sur le handicap. Cette sanction, notamment à la demande de la CGPME, est reportée au mois de juillet prochain.) Le problème est que l’on incite les entreprises de plus de 20 salariés à engager alors qu’on sait bien que, souvent, ce sont les petites boîtes qui sont le plus à même de remplir cette fonction de part leur structure. (La loi du 10 juillet 1987 oblige tout employeur du secteur privé et tout établissement public à caractère industriel et commercial occupant 20 salariés ou plus, à employer, dans une proportion de 6 % de son effectif salarié, des travailleurs handicapés.) Mais encore une fois, tout cela est lié à l’image que les gens valides ont des personnes handicapées. Il y a deux ans, j’étais à une conférence sur le handicap et une personne a demandé pourquoi en Angleterre le ministre du travail, David Blunkett, était aveugle et que cela ne choquait personne au sein de la population britannique ? Tout le monde s’est regardé sans savoir quoi répondre ! La personne a repris la parole en disant qu’il était lui-même de père anglais et de mère française et que, scolarisé en Angleterre, il avait toujours eu avec lui des enfants handicapés durant ses études. Encore une fois, tout se joue dès le plus jeune âge. L’enfant, lui, ne juge pas ! Je me souviens que lors d’un voyage à Beyrouth, j’ai rendu visite à une école où tous les enfants étaient ensemble, handicapés et valides. Il était très émouvant de voir que, dans la cour de récréation, chacun compensait le handicap de l’autre. L’enfant sourd poussait le fauteuil de celui qui ne pouvait pas marcher et ainsi de suite… C’était une osmose parfaite entre TOUS les enfants dont notre système éducatif devrait tirer des leçons ! Place de stationnement, accès facilité aux lieux publics…
Il semble qu’au fil des années, beaucoup de mesures aient été prises pour faciliter le quotidien des personnes handicapées. Quels sont encore vos chevaux de bataille ?
Les choses avancent, mais on part de loin ! Disons que mon cheval de bataille est de faire appliquer concrètement les décrets des textes de loi et de sensibiliser un peu plus la population au handicap. Nous avons d’ailleurs mis en place des programmes pédagogiques pour les enseignants afin qu’ils sensibilisent leurs élèves. Nous aurons plusieurs classes test en 2011. Encore une fois, je reparle du système scolaire car, à mon sens, tout se joue là ! À chaque rentrée, on a le droit aux discours des ministres mais, hélas, cela ne fait pas bouger les choses assez vite !
Pensez-vous qu’un ministre, un acteur, un présentateur handicapé ferait évoluer le regard des gens ?
Bien sûr ! Regardez par exemple Roosevelt. On en parle peu mais il était atteint de poliomyélite et ne se déplaçait qu’en fauteuil roulant. Lorsqu’une personne est connue, on oublie facilement le handicap et il faut qu’il en soit ainsi dans la vie de tous les jours. Il est vrai que plus de personnes handicapées à des postes en vue ne seraient vraiment pas un mal !
On parle actuellement d’une assistance sexuelle pour les personnes handicapées. Un débat houleux que certains assimilent à de la prostitution !
C’est un sujet sensible dont on parle depuis quelques années, mais qui était étouffé. En Suisse ou aux Pays-Bas, des aides sexuelles existent déjà, mais la France reste frileuse. Chez nous, le débat est : est-ce ou non de la prostitution ? Il faut savoir que, dans plusieurs pays européens, c’est une profession reconnue avec une formation. Les mentalités, là encore, ont besoin d’évoluer sur le sujet. Je rappelle qu’en 2002 le pape Jean-Paul II avait déclaré que les personnes handicapées avaient le droit à une vie affective !