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Vous avez mal au dos de façon permanente ! Votre corps est depuis quelque temps sujet à une hypersensibilité sans qu’aucun médecin ne puisse mettre un terme à vos maux ! Vous souffrez peut- être de fibromyalgie ! Atteinte de cette maladie peu connue depuis plus de trente ans, Carole Robert a créé l’association nationale Fibromyalgie France, en avril 2001, avec d’autres personnes atteintes de douleurs chroniques. Agréée par le Ministère de la Santé et des Solidarités depuis mars 2007, reconnue d’intérêt général depuis août 2008, l’association regroupe dans toute la France des malades fibromyalgiques et leurs proches. Du bulletin d’information à l’attention des adhérents, à la mise en œuvre de partenariats avec le corps médical, en passant par la publication de deux livres sur la fibromyalgie, la représentation des malades atteints de fibromyalgie auprès des instances nationales ou bien encore la relecture récente du rapport d’orientation de la Haute Autorité de Santé, les actions menées par l’association sont larges et efficaces. Zoom sur une maladie encore trop méconnue !
« Le déni médical qui existe encore trop souvent, ainsi que le déni sociétal, sont autant de facteurs qui viennent s’ajouter aux traitements à haute dose, et peuvent déstabiliser le malade fibromyalgique. »
Quels sont les symptômes de la fibromyalgie ?
La fibromyalgie se caractérise par des douleurs musculaires diffuses qui durent depuis plus de trois mois. Des douleurs à la pression, une fatigue générale, des troubles du sommeil qui s’accompagnent de raideurs musculaires, d’un sommeil non réparateur, de céphalées, de tensions, de troubles de la mémoire, intestinaux, génito-urinaires, de paresthésie. Les malades peuvent également ressentir une hypersensibilité à la température, à la lumière, aux odeurs…
Le fait que cette maladie soit encore méconnue fait que de nombreuses personnes n’arrivent pas à mettre un nom sur leur mal !
Le nombre important de troubles accompagnants les douleurs et la fatigue chronique sont déroutants pour les malades qui peuvent, en effet, aller de médecin en médecin, de spécialiste en spécialiste, pour rechercher une réponse adaptée à leur légitime inquiétude. La complexité de la fibromyalgie, les nombreux troubles associés, peuvent engendrer une errance du diagnostic. Cependant, depuis les dernières années, l’attente de celui-ci n’est plus aussi longue même s’il demeure une réalité : Trop de médecins généralistes ne sont pas encore formés au diagnostic de fibromyalgie et, pour de nombreux malades, cela peut entraîner une douloureuse attente.
Y’a t-il des traitements efficaces ?
La pilule miracle n’existe pas ! Même si nos douleurs résistent encore trop souvent aux différentes molécules proposées, il est un fait que depuis quelques années la prise en charge pluridisciplinaire apporte une amélioration qui ne repose pas sur la seule prise en charge médicamenteuse. Il s’agit tout d’abord d’améliorer la douleur, la fatigue et l’humeur par des molécules adaptées certes, mais, et surtout, d’impliquer le patient en recréant une dynamique par la rééducation aux mouvements (activités physiques, piscine…), la gestion du stress et du retentissement des troubles sur le quotidien. Seule une éducation thérapeutique du patient ciblée, à l’instar de celle mise en place pour d’autres pathologies chroniques, permet cette prise en charge globale qui requiert une base de partenariat patient-médecin constructive.
Les antidépresseurs entrent en compte dans le traitement ?
Oui, pour leur effet antalgique. Ils sont souvent prescrits à petites doses. Il serait cependant important que le patient fibromyalgique soit informé clairement de l’utilisation des antidépresseurs dans ce cadre précis. Sinon, cette prescription, courante dans la prise en charge de la douleur, peut être mal interprétée par le patient et conduire à l’échec thérapeutique. Cependant, devant un état dépressif avéré, il est clair qu’un traitement usuel doit être mis en place. L’information du patient est primordiale dans la prise en charge d’une maladie chronique et l’utilisation des différentes molécules proposées devrait être explicitée.
Certains médecins pensent que les symptômes physiques de la fibromyalgie sont la résultante de causes psychologiques. Vous y croyez ?
Non, et je n’y ai jamais cru ! J’ai entendu en 10 ans des milliers de fibromyalgiques, bien plus qu’un seul médecin ne peut le faire dans son cabinet. Les plaintes sont les mêmes ainsi que les conséquences sur la vie familiale, sociale et professionnelle. Je « rencontre » le plus souvent des fibromyalgiques dynamiques, ayant envie de comprendre et de se sortir de cette situation, subissant la maladie. Les dernières avancées en terme de recherche fondamentale et de compréhension du processus de « non gestion de la douleur » par notre organisme nous confortent dans ce schéma : Nous sommes victimes d’un dysfonctionnement de la modulation de la douleur ce qui semble maintenant admis au niveau international. Nous l’exprimons par les termes suivants : mon corps disjoncte, la bougie s’éteint…
La douleur constante, les antidouleurs à hautes doses, les psychotropes, je suppose que beaucoup de malades tombent peu à peu au fond du trou non ?
En effet, une dépression peut accompagner une fibromyalgie car, vivre au quotidien avec des douleurs et une fatigue chroniques auxquels peuvent s’associer de nombreux troubles, entraîne une perte de qualité de vie et d’autonomie considérable. Pour certains patients, l’emploi et la vie affective sont très affectés par cet état chronique. La peur de ne pas pouvoir se maintenir dans la vie, de ne pas voir le bout du tunnel, d’être inquiet pour son avenir, peut entraîner une dépression réactionnelle. Le déni médical qui existe encore trop souvent, ainsi que le déni sociétal, sont autant de facteurs qui viennent s’ajouter aux traitements à haute dose, et peuvent déstabiliser le malade fibromyalgique.
Après l’effet Mediator, de nombreux médicaments ont été montrés du doigt. On sait que les personnes atteintes de fibromyalgie en prennent beaucoup pour calmer la douleur. Cette liste de médicaments supposés avoir des effets secondaires néfastes vous inquiète t-elle ?
Comment ne pas être légitimement inquiet quand on réalise que 8 médicaments de la « liste des 77 » sont prescrits – souvent simultanément- à des milliers de patients fibromyalgiques, à savoir : Cymbalta – Di- Antalvic/Propofan – Lyrica – Nexen – Rivotril – Stillnox – Tramadol – Xyrem, sans oublier les autres molécules également prescrites (et qui ne sont pas sur cette liste). Notre inquiétude est croissante quand on sait que, dans la fibromyalgie, ils sont proposés « hors A.M.M. » et que cela touche beaucoup de malades, car, rappelons-le, la prévalence de la fibromyalgie est estimée à 2% ! Dans ce cadre spécifique, a-t-on une garantie que le bénéfice/risque a été réellement évalué ? Peut-on bénéficier de la pharmacovigilance ? Peut-on clairement en informer et alors rassurer les malades ?
Alors que l’affaire du Médiator provoque un remous touchant toutes les sphères de la société, nous nous sentons bien seuls face à nos questionnements, certes renouvelés, auprès du Ministère de la Santé, auprès de l’E.M.A. (Agence Européenne du Médicament) et auprès de l’A.F.S.S.A.P.S., questionnements demeurés sans réponse depuis 2003.
Nous avons donc lancé une enquête auprès de fibromyalgiques, le 3 février dernier, et avons recueilli 600 réponses à ce jour : ainsi 46,8% se voient prescrire du Cymbalta, 70,5% du Di-Antalvic/Propofan, 55,7% du Lyrica, 18,8% du Nexen, 61,8% du Rivotril, 42,2% du Stilnox, 57,2% du Tramadol et 2,2% du Xyrem.
A noter, que, à cette occasion nous avons demandé si – hors liste des 77 – la kétamine leur était proposée – hors A.M.M. – comme alternative ou complément aux molécules ici proposées : 10,5% des répondants sont concernés !
Quelques résultats :
– A la question de savoir quelles sont les molécules les plus ingérées simultanément, nous avons par ordre décroissant : Cymbalta 45,5%, Rivotril 45,7%, Lyrica 43,8%, Tramadol 41,7%, Di-antalvic 32,9%, Stilnox 28%, kétamine 5,9%, Xyrem, 0,7%, Kétamine, 5,9%. – Concernant le devoir d’information, un constat est clair : les répondants affirment majoritairement ne pas avoir été informés sur les effets secondaires de ces médicaments. – Enfin, 60% se déclarent inquiets depuis la parution de la liste des 77 médicaments surveillés par l’AFSSAPS, dont 11,3% qui n’osent pas en parler à leur médecin. Nous avons informé le Ministre de la Santé, M. Xavier Bertrand, le 11 février 2011 de la réalisation de notre enquête et de nos questionnements, demandant – dans un souci de concertation – à être reçus pour en discuter.
Et quelle a été sa réponse ?
On peut craindre clairement que le sujet n’intéressera pas le Ministère de la Santé ! En effet, le 12 février dernier, un courrier recommandé avec accusé de réception, envoyé le 29 janvier 2011 au Cabinet du Ministre, nous a été retourné, décacheté puis recollé au scotch avec le tampon « ne concerne pas le Cabinet Ségur » ! Ce courrier était relatif aux réponses sollicitées à partir d’un entretien que nous avions eu, en novembre 2010, avec un Conseiller technique du Ministre. Peut-on réellement imaginer que demander à connaître les réponses du Ministère de la Santé sur les trois thèmes cruciaux, que sont la fibromyalgie de l’enfant, le refus de don de sang et l’utilisation de la kétamine dans la fibromyalgie ne concernent pas le Ministre de la Santé ? Cela semble pourtant être le cas. Quel déni !
Cela tend à prouver que la fibromyalgie qui touche de plus en plus de personnes est laissée sur le bord de la route par les services gouvernementaux ! Qu’en pensez-vous ?
Après 10 années d’un difficile combat au sein de l’association ‘Fibromyalgie France’, tant en raison de la nature même d’une pathologie restée volontairement méconnue qu’en raison d’un engagement fragile de bénévoles malades, nous constatons qu’aucune réelle volonté politique n’est clairement affirmée par les ministres successifs depuis 1998 : cependant, M. Xavier Bertrand semblait être la seule personnalité en exercice (ministre de la santé en 2006), quoique avant les élections présidentielles, à s’intéresser à ce dossier, en ayant souhaité d’ailleurs nous recevoir (mai 2006). C’est, dans ce sens, que, par la suite, nous lui avons fait parvenir l’hiver dernier un dossier sur la reconnaissance de la fibromyalgie au niveau européen, avec les statistiques qu’il avait demandées. Notre souhait de pouvoir en discuter est alors resté sans suite. Même si, et fort heureusement, des reconnaissances institutionnelles existent, telles l’Académie Nationale de Médecine ou la Haute Autorité de Santé, cela ne suffit pas ! Il faut maintenant qu’un état des lieux puisse être fait pour connaître la réalité sur ce dossier : prévalence objective, nombre réel de patients en invalidité, conférence de consensus professionnel, outil d’évaluation permettant aux experts d’évaluer la sévérité de l’état du fibromyalgique de façon homogène sur tout le territoire afin de mettre en place une prise en charge sociale égalitaire, financement de projets pilotes de prise en charge non médicamenteuse, etc… Mais est-ce qu’une volonté politique de réaliser un tel état des lieux ou de lancer des projets existe ?
Nous sommes légitimement en droit d’en douter !
Certes, l’argument renouvelé depuis des années, qu’au regard des pathologies ‘lourdes’, les fibromyalgiques ne constituent pas une priorité – malgré le nombre extrêmement important de malades souffrant de fibromyalgie, avec plus d’un million de personnes (selon la prévalence moyenne de 2%) ne peut plus nous satisfaire. La douleur chronique concerne en France de très nombreux malades et ne saurait ainsi être ignorée des décideurs. En effet, la prévalence des douleurs chroniques d’intensité modérée à sévère est évaluée en population générale à 19,9% : voir le Collectif des Douloureux Chroniques – C.D.C. Il demeure probablement préférable de nous donner 8 molécules, qui d’ailleurs ont des conséquences dommageables sur notre qualité de vie, qu’en faire un sujet de santé publique, a minima une préoccupation du gouvernement, plus intéressé par les pathologies « médiatisables » surtout en période pré-électorale.
Est-il difficile de faire comprendre à son environnement familial ou professionnel cette maladie si méconnue ?
Il est complexe d’expliquer, au quotidien, les changements survenant en lien avec un état de douloureux chronique. Les conséquences sur la vie familiale ou professionnelle sont lourdes car la douleur occupe tout l’esprit du patient. L’énergie déployée pour vivre au quotidien avec ces douleurs et la fatigue engendrée, et pour assumer son rôle d’épouse, de parent et de salarié, entraîne un repli sur soi ou alors une irritabilité. Le fibromyalgique, lui-même, a du mal à comprendre son état et, par voie de conséquence, à l’expliquer aux autres.
À qui peuvent s’adresser les malades qui se sentent oubliés ?
Les associations de malades ont pour objectif premier d’informer le malade de façon fiable et contrôlée sur la pathologie. Le risque est grand, face à une maladie controversée, de chercher des informations sur le net qui peuvent être alarmistes. La possibilité d’échanger sur des forums de discussion modérés par l’association contribue à proposer un lieu d’échanges qui rassurent le malade. Sortir de l’isolement est probablement le premier acte vers un début de prise en charge globale.
Comment expliquer que la fibromyalgie soit pleinement reconnue en Amérique du Nord et très peu en France ?
Les différences peuvent être culturelles, liées à une médecine centrée sur l’individu et acceptant l’échec thérapeutique. Je ne pense pas qu’il soit possible de comparer de façon aussi tranchée les différentes formes de reconnaissance. En effet, en France, une reconnaissance institutionnelle existe, par la parution du rapport de l’Académie Nationale de Médecine (2007) et du rapport d’orientation de la Haute Autorité de Santé (2010). La prise en charge médicale est un fait (remboursement des soins liés à la fibromyalgie) et de plus en plus de professionnels de santé se forment à la connaissance et prise en charge de la fibromyalgie. Pour ma part, dans le cadre de la loi HPST, je viens d’intervenir dans le cursus de formation des étudiants de médecine en 6ème année (module 6 sur la douleur). Cela n’est pas chose courante dans de nombreux pays.
Une personne atteinte de fibromyalgie et qui ne peut plus exercer son métier peut-elle être reconnue comme travailleur handicapé par la sécurité sociale ?
Là réside la grande difficulté en termes de reconnaissance de la fibromyalgie : celle du handicap entraîné par la douleur chronique, difficilement quantifiable, difficilement objectivable, reposant sur l’examen clinique et la parole du malade et… sur la compréhension et connaissance du « sujet » par les médecins experts. Comment rendre visible l’invisible sans marqueurs et signes objectifs de « maladie » ? Quel état de sévérité doit donc atteindre le fibromyalgique afin d’être reconnu comme handicapé dans sa vie familiale, sociale et professionnelle ? Doit-il plonger inévitablement vers une dépression réactionnelle pour valider son état ? Pourtant, un outil de sévérité permettant de quantifier la perte d’autonomie et de qualité de vie du douloureux chronique fibromyalgique pourrait aider à cette évaluation. Une simple volonté politique pourrait y remédier !