Musique

Popa Chubby, le Horowitz de la guitare

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Avec son physique digne d’un « première ligne » de footballeur américain, Popa Chubby promène, depuis trente ans, sa collection de guitares sur toutes les scènes du monde avec un goût prononcé pour celles de notre hexagone. Le natif du Bronx, qui a grandi au biberon d’Otis Redding, Jimi Hendrix ou Aretha Franklin, a façonné un blues mâtiné de rock et saupoudré de funk à l’optimisme contagieux et où l’amour, de la guitare comme, plus largement, de la vie s’avère la clé de voute. Habitué à se produire 200 soirs par an, Theodore Joseph Horowitz, alias Popa Chubby, a-t-il toujours foi en l’humain en cette période pour le moins étrange que nous traversons ? Réponse de l’intéressé !

« Je crois que les Etats-Unis ne sont pas si loin que cela de connaître une nouvelle guerre civile »

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Comment avez-vous vécu cette période très particulière de confinement ?

Même si ce n’est pas simple, je trouve que c’est une période intéressante pour prendre un peu de recul sur notre monde. Franchement, je ne suis pas le plus à plaindre. Cela faisait presque vingt ans que je ne m’étais pas posé chez moi donc, d’un certain point de vue, ça fait du bien ! Même si toute la musique pâtit de ce moment, je suis quand même chanceux de pouvoir continuer à travailler depuis chez moi, dans mon studio d’enregistrement. En ce moment, j’y suis en permanence et j’ai composé quelques titres que j’ai postés sur Internet en prévision d’un futur album. Il y a un morceau sur le président Trump qui s’intitule « You don’t know shit » (Tu n’y connais rien !) et un autre que j’ai appelé « Cognitive dissonance ». C’est une situation liée à l’être humain qui l’incite à faire des choses qu’il sait nocives. Prenez par exemple le tabac ! Tout le monde sait que cela tue et pourtant, cela n’empêche pas les gens de fumer. La dissonance cognitive nous fait prendre un chemin que l’on sait mauvais. C’est à mon sens ce qu’il se passe aujourd’hui aux Etats-Unis tout particulièrement. En ce moment, on vous dit par exemple qu’il est presque vital de porter un masque lorsque l’on se promène dans un endroit public en raison de cette épidémie de Covid. Pourtant, quand je me balade dans la rue à New-York, si je vois trois personne sur dix qui portent un masque, c’est le bout du monde. Là encore, c’est de la dissonance cognitive.

Comme vous le mentionniez, tous les concerts a été annulés. Quand on sait que, depuis trente ans, vous faites en moyenne 200 dates par an, ça doit quand même pas mal changer la donne ?!

Ça me manque, c’est sûr. Le contact avec le public est un truc quasi vital pour moi. Après, j’ai fait pas mal de live en ligne ce qui permet de garder un lien avec le public, mais ça serait mentir de dire que cela remplace la scène. C’est dans la nature humaine de s’adapter et c’est ce que nous devons faire en ce moment. Espérons simplement que cette situation ne va pas trop perdurer. Le rapport à la musique va peut-être changer. En tant qu’artiste, je rêverais que la musique cesse d’être un produit commercial, un art qui ne subisse pas le dictat des maisons de disques. J’aimerais que la musique soit totalement libre. Aujourd’hui, les labels se disent : « Bon, qu’est-ce qui marche en ce moment dans cette couche de la population ? – Que faut-il leur donner à écouter pour se faire du fric ? » Avec cette pandémie, toutes ces règles qui vont à l’encontre de l’art sont, de fait, suspendues. Les réseaux sociaux ont pris le pas sur les maisons de disques et on ne va peut-être plus penser l’enregistrement d’un album après la crise épidémique comme on le pensait avant ! On va espérer que le point positif de cette crise est qu’elle aura permis de faire bouger les lignes et qu’on ne reviendra pas au monde qu’on a connu jusqu’alors et qui, franchement, était de plus en plus flippant. La société ne fonctionnait pas et notre monde mourrait peu à peu. Avec ce confinement, on a permis de laisser notre planète reprendre vie et on voit qu’en peu de temps, la nature a un peu partout repris ses droits. Le ciel est bleu, l’air est pur, il y a moins d’avions dans le ciel, moins de pollution, les poissons et les dauphins reviennent en masse… Certains ne seront pas d’accord avec moi et diront : « Mais non, il faut penser à l’économie du pays, sauver la finance. » Je leur répondrai juste « Fuck l’économie ! »

Vous êtes un grand optimiste de nature. Vous continuez donc à l’être aujourd’hui ?

Il le faut ! Devenir négatif et pessimiste signifierait abandonner. Je continue à penser que chaque jour apporte son lot de bonheur et de choses dont on doit s’émerveiller. La situation a certes changé mais cela n’enlève pas le fait que la vie reste merveilleuse. Malgré toute cette folie liée à la situation actuelle, je continue à croquer la vie et à l’adorer.

Dans votre morceau “Preexisting conditions” sur l’album “Two Dogs” vous parliez du système de santé aux Etats-Unis, critiquant largement la politique menée par Donald Trump. Quel est votre vision des USA à cinq mois des élections présidentielles ?

Waouh, ça c’est une question ! Pour le dire simplement et aussi clairement que possible, les mois à venir vont être un véritable « show » de merde ! Je crois que les Etats-Unis ne sont pas si loin que cela de connaître une nouvelle guerre civile. Il y a, dans le pays, 30% des gens qui suivent Trump tête baissée. Puis, il y a peut-être 40% des gens qui sont en désaccord avec la politique qu’il mène. Les 30% restant s’en foutent complètement et c’est de là que provient le danger. Je ne suis pas devin et ne peux prédire ce qu’il va se passer, mais la situation est si tendue est changeante que l’on peut se poser de sérieuses questions quant à l’avenir de notre pays. Ce qui arrive aujourd’hui aux Etats-Unis et si terriblement merdique que si je pouvais partir en Europe, franchement, je le ferais. Le problème, c’est que je ne peux même pas prendre un avion ! Je continue à penser que nous sommes un beau pays avec des gens merveilleux et je sais que beaucoup de français qui viennent ici et se baladent aux USA repartent avec plein de souvenirs délicieux dans leurs bagages. Le truc, c’est qu’aujourd’hui tout ça est mis à mal. Notre démocratie est mise à mal et notre mode de vie l’est également. Pour résumer, on peut dire que l’on fait face, de la part du gouvernement, à une sorte de fascisme. Nous n’avons pas un président, mais un empereur. C’est vraiment terriblement flippant ! Je sais qu’en France il y a aussi ce sentiment du genre : « Ne vous inquiétez pas les gars, ce virus ce n’est rien. Retournez tous au boulot pour faire tourner l’économie ! Les gens qui meurent ce n’est pas grave, ce n’étaient que des personnes âgées et malades… ». Je ne comprends pas ce discours. Comment peut-on faire passer l’argent avant l’humain ?! En cela réside selon moi le concept le plus étrange et insultant vis-à-vis de l’espèce humaine. Ici, aux USA, quand vous devenez vieux, vous ne servez plus à rien aux yeux de l’Etat. C’est vraiment pathétique et profondément triste de constater le peu d’égard que l’on a pour les personnes âgées. J’en prends peut-être encore plus conscience maintenant où, moi-même, j’arrive disons à un âge avancé et pas forcément en très bonne santé !

Pour revenir à la musique, comment Motörhead a-t-il sauvé votre vie comme vous le chantez dans un morceau ?

Dans les années 90, j’étais accro à la drogue. Mon coloc m’avait fait découvrir l’album live de Motörhead, « No Sleep ‘til Hammersmith ». J’avais trouvé ça dingue et, du coup, on est allés les voir en concert pendant l’une de leurs tournées. Quand j’ai vu leur prestation, c’était comme si Dieu était descendu sur terre pour me botter le cul. Ça a complètement changé ma vie et m’a donné cette envie de me donner à 100% pour la musique, la guitare. Je me suis dit que, pour accomplir mon rêve, il fallait que je devienne clean. Je sais que Lemmy était le plus gros défoncé de la planète mais, paradoxalement, il m’a permis de remettre les pieds sur terre, d’arrêter de faire n’importe quoi de ma vie et de vivre à fond ma passion. En cela, il m’a effectivement sauvé !

Vous avez également réalisé une reprise du mythique « Sympathy for the devil » des Rolling Stones. C’est un morceau qui, au-delà de la musique, vous parle pour sa symbolique ?!

C’est un morceau des Stones que j’adore mais, pour moi, les deux morceaux que je préfère de ce groupe c’est « Wild Horses » et « All Down the line » sur l’album Exile on main St. Sympathy est un classique que tous les gens adorent et reprennent en cœur. C’est pour cela que j’aime bien le jouer en concert, pour cette interaction avec le public. Et franchement, qui écrirait une chanson sur le fait d’avoir de la compassion pour le diable ?! Je sais que je ne vais pas me faire des amis en disant cela mais la plus grande cause de mortalité depuis 2000 ans dans le monde c’est, qu’on le veuille ou non, la religion, donc Dieu. On peut donc légitimement se poser la question de savoir qui est le véritable diable ?! Et puis aurions-nous le diable sans Dieu et vice versa ? En définitive, peut-être que le diable fait simplement son boulot !

Vous avez commencé la guitare à 16 ans et, à 18, vous tourniez déjà dans un groupe pro. Ça a été comme une révélation ?

Oui et non. J’ai commencé par la batterie et même quand la guitare est devenue mon instrument de prédilection, je continuais la batterie. La guitare a été un processus assez long et fastidieux pour moi. Je ne me suis pas emparé de l’instrument en me découvrant subitement prodigue. J’ai vraiment dû travailler dur et je continue à bosser sans cesse pour m’améliorer.

En 2006, vous avez donné plusieurs concerts en hommage à Jimi Hendrix. Le 18 septembre prochain, on célèbrera le 50e anniversaire de sa disparition. Que représente Hendrix pour vous ?

Jimi Hendrix était Beethoven. C’était un ovni dont personne n’a jamais approché le talent. Ce qu’il a fait pour la musique en tant que guitariste, chanteur, compositeur est juste énorme. Il laisse derrière lui des morceaux uniques qui resteront gravés dans l’histoire de la musique, un legs incroyable. Ce mec était une icône, un truc venu d’ailleurs qui a fait un bref passage sur Terre pour laisser un testament incroyable. Il y a un avant et un après Jimi Hendrix.

Depuis 1991 vous avez publié presque un album par an. D’où vient cette énergie et cette boulimie créative ?

Je vais vous raconter une histoire. En 1994, lorsque je bossais sur l’album « Booty and the Beast », mon producteur était Tom Dowd. Tom avait collaboré avec les plus grands, de Clapton à Aretha Franklin, Coltrane ou Ray Charles. Un jour que l’on était en studio, il m’a dit : « Tu as eu toute ta vie pour écrire ce disque. À partir de maintenant, tu auras six mois entre chaque album. » Il disait ça pour me motiver et moi, j’ai pris ses mots au pied de la lettre. Maintenant, j’ai un peu diminué la cadence en sortant un disque tous les un an et demi. Mais j’avais cette frénésie d’écriture, ce besoin de composer viscéral. Je crois tout simplement que la musique est ce qui m’empêche de devenir fou. C’est mon antidépresseur. Sans cela, je serais incapable de me contrôler. Quand je suis en studio, que je compose, que je joue, mon esprit n’a pas le temps de penser à autre chose et cela m’évite de dérailler.

Vous avez toujours eu une relation très étroite avec la France où vous connaissez plus de succès qu’aux Etats-Unis. Comment expliquez-vous cette relation « amoureuse » avec notre pays ?


Je crois que le fait que je ne sois pas dans la norme plait en France. Je ne suis pas le guitariste avec les cheveux longs, beau mec qu’on a l’habitude de voir ou même d’imaginer. Ma musique est essentiellement basée sur l’émotion, plus que la technique ou quoi que ce soit d’autre et je pense que les français sont très réceptifs à cette émotion que je véhicule dans mes morceaux. Et puis disons-le tout net, il faut croire que les français ont très bon goût ! (rires).

Nous sommes aujourd’hui énormément dans le bio, voire le végan. Continuez-vous à penser comme vous le clamiez dans l’un de vos morceaux que le goût se trouve dans le gras ?

Le gout est toujours dans le gras ! Ce morceau a plusieurs niveaux de lecture. Le premier est tout simplement que si vous cuisinez un aliment, il aura forcément plus de goût s’il contient du gras. Mais c’est également une allégorie qui tend à montrer que l’essence même de la vie est basée sur la diversité. C’est cette différence qui rend les choses plus riches. Si tout était uniforme et c’est ce que l’on tend un peu trop à voir aujourd’hui, alors l’ennui s’installerait. Il suffit de regarder la nature, tout est différent et c’est de cette diversité que nait la beauté. Uniformiser les choses, c’est en prendre le contrôle et c’est en partie le mal que connaît notre société.

Duo Jatekok, jeu de mains
Gérard, 74 ans, engagé sur tous les fronts

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